Croissance atone, dépenses publiques et fiscalité qui dérapent : la France fait office d’exception en Europe.
Pierre Mendès France soulignait que « les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent ». La France de François Hollande est en passe de perdre, avec le contrôle des finances publiques, ce qui lui reste de souveraineté.
La Cour des comptes et la Commission européenne viennent d’aboutir aux mêmes conclusions : le budget pour 2014 est mort-né car il repose sur des bases faussées, le dérapage des comptes publics se poursuivant. Le déficit est estimé par Bruxelles à 4 % du PIB en 2014 et 3,9 % en 2015, ce qui réduit à néant l’engagement de retour au seuil de 3 % du PIB qui fondait le sursis de deux ans accordé à la France dans sa trajectoire de retour à l’équilibre. La dette en 2014 dépassera 2 000 milliards d’euros pour atteindre 97,3 % du PIB en 2015.
Cette dérive n’est pas liée aux prévisions de croissance qui ont gagné en sérieux. L’hypothèse de 0,9 % retenue pour la progression de l’activité en 2014 est, pour une fois depuis quinze ans, réaliste.
L’écart s’explique par la surévaluation des recettes et l’absence de maîtrise des dépenses. Le choc fiscal de 3,5 % du PIB depuis 2010 a enfermé la France dans la croissance zéro tout en provoquant une fuite massive devant l’impôt : les moins-values fiscales ont atteint 11,2 milliards en 2013 et sont évaluées à 6 milliards par rapport au budget pour 2014.
Simultanément, le déficit structurel s’est creusé à 2,6 % du PIB (contre 1,6 % attendu) du fait de la poursuite de la course folle des dépenses, en hausse de 1,7 % au titre de la consommation courante et de 1,4 % en matière d’investissement. Trois décisions pèsent très lourdement sur les comptes publics. L’arrêt du non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite s’est traduit par une légère hausse de leur nombre à 5,3 millions : le coût complet d’embauche d’un fonctionnaire s’élève à 3,5 millions d’euros sur l’ensemble de sa vie, ce qui porte à 210 milliards d’euros l’engagement de recruter 60 000 professeurs supplémentaires dont la Cour des comptes a montré l’inutilité. Le retour de fait à la retraite à 60 ans a entraîné la baisse de l’âge de départ et une hausse de 17 % des nouveaux retraités. Enfin, les nouvelles mesures sociales représentent plus de 12 milliards d’euros en année pleine, sans compter le projet ruineux de généralisation du tiers payant dans l’assurance-santé.
La France fait plus que jamais figure d’exception en Europe et dans la zone euro. Elle cumule en effet une croissance inférieure à la moyenne (0,9 % contre 1,2 % en 2014), la montée du chômage qui va toucher plus de 11 % de la population active, le profond déséquilibre de ses comptes extérieurs avec un déficit commercial de 61 milliards d’euros, la perte de contrôle de ses finances publiques. Cette situation tranche avec l’Europe du Nord, symbolisée par l’Allemagne qui a surmonté la crise et affiche une croissance proche de 2 %, un chômage réduit à 5 % de la population active, un excédent commercial de 199 milliards, un léger surplus des comptes publics qui permettra de ramener la dette à 74,5 % du PIB en 2015. Elle se distingue aussi de l’Europe du Sud, qui, à l’image de l’Espagne et de l’Italie, pour avoir été plus affectée par la crise mais avoir réalisé des réformes, renoue avec la croissance, les créations d’emplois et les excédents commerciaux grâce au dynamisme des exportations.
Six ans après le début de la crise, notre pays retrouve à peine son niveau de richesse de la fin de 2007, mais avec un PIB par habitant réduit de 2 % par la hausse de la population et inférieur de 12,5 % au niveau allemand. La croissance molle, le chômage structurel, le double déficit des comptes extérieurs et publics rendent inéluctable un choc financier sur la dette, qui relancera la crise de l’euro.
La France doit donc casser la trappe du sous-développement et de la paupérisation dans laquelle elle s’est enfermée en raison de la hausse des dépenses publiques et des impôts, qui entraîne la chute des marges et de l’investissement, puis celle de l’emploi et des revenus, appelant de nouvelles dépenses puis de nouveaux impôts. Pour redresser la courbe de l’activité et inverser la courbe du chômage, il faut d’abord inverser la courbe des dépenses publiques. La crédibilité des autorités françaises auprès des citoyens comme des marchés et de nos partenaires européens en dépend.
Voilà pourquoi il faut cesser de biaiser et de ruser en diminuant effectivement les dépenses publiques de 1 150 à 1 100 milliards d’euros à l’horizon de 2017. Voilà pourquoi il faut démanteler la fiscalité confiscatoire sur le travail et le capital qui tue la croissance et l’emploi. Voilà pourquoi le pacte de responsabilité, s’il veut mettre les mots en accord avec les choses, passe par un changement rapide de gouvernement et le vote d’une nouvelle loi de finances pour 2014.
(Chronique parue dans Le Figaro du 03 mars 2014)