Face aux révolutions qui bouleversent le marché de l’énergie dans le monde, la France doit se donner des priorités.
La transition énergétique constitue l’une des clés du XXIe siècle. L’énergie continue à jouer un rôle vital dans les économies et les sociétés modernes, qu’il s’agisse du pouvoir d’achat des ménages, de la compétitivité des entreprises et des territoires, de la souveraineté et de la sécurité des nations. L’accès à une énergie abondante et bon marché est plus que jamais au cœur de la concurrence entre les entreprises et de la rivalité entre les nations. Dans le même temps, la soutenabilité du développement comme le maintien de la paix sur une planète qui va compter 9,5 milliards d’habitants passent par l’utilisation efficace de ressources désormais limitées et par la protection d’un environnement devenu très vulnérable, comme le montre la multiplication des événements climatiques extrêmes.
Cinq révolutions bouleversent le marché de l’énergie :
- L’exploitation massive des hydrocarbures non conventionnels initiée par les États-Unis qui va leur permettre de redevenir le premier producteur mondial et exportateur net dès 2020.
- La montée en puissance du gaz qui fournira 25 % de l’énergie primaire en 2035.
- L’essor des technologies numériques, à travers les réseaux intelligents qui permettent de compléter l’offre centralisée par une production d’électricité décentralisée.
- L’accélération de la crise climatique avec la perspective d’une hausse de la température moyenne de la planète de 3,7 à 4,8 degrés d’ici à 2100, indissociable de la montée et de l’acidification des mers ainsi que des phénomènes catastrophiques.
- Enfin, le retour en force des crises géopolitiques : d’un côté, le renouveau impérialiste de la Russie remet en question le système de sécurité européen de l’après-guerre froide tout en se traduisant par la réorientation de ses exportations vers la Chine (signature d’un contrat gazier de 400 milliards de dollars sur 30 ans) ; de l’autre, l’onde de violence et de chaos qui parcourt le monde arabo-musulman entraîne la destruction de l’Irak (2e producteur Opep) après la Libye, relançant les tensions sur le marché pétrolier.
Face à ces transformations en chaîne, la plupart des pays développés ont engagé des réformes de leur système énergétique, avec pour priorité l’amélioration de leur compétitivité et de leur sécurité. Les États-Unis investissent massivement dans les hydrocarbures non conventionnels. Le Japon poursuit le redémarrage de ses réacteurs nucléaires. L’Allemagne cherche à réduire le coût vertigineux de son tournant énergétique en assouplissant son calendrier et a autorisé l’exploitation du gaz de schiste sur 86 % de son territoire afin de limiter son exposition à la Russie qui fournit le quart de son approvisionnement. Enfin, l’Espagne a dégonflé la bulle spéculative des énergies renouvelables qui a contribué aux déséquilibres de son modèle de développement à crédit.
La France, qui a manqué le virage des énergies renouvelables, des technologies numériques et des hydrocarbures non conventionnels, doit refonder son modèle énergétique. Mais la pseudo-loi sur la transition énergétique se réduit à une succession de non-sens.
Absurdité des objectifs fixés qui consistent à organiser la pénurie et l’explosion des prix de l’énergie avec la division par deux de la consommation d’ici à 2050 et la fermeture anticipée de 20 réacteurs d’ici à 2025 pour réduire la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité. Absurdité économique avec le saccage de l’une des rares filières françaises d’excellence, la liquidation d’un des ultimes avantages comparatifs d’une industrie exsangue (production en chute de 16 % depuis 2008 pour une valeur ajoutée réduite à 10 % du PIB) et la dégradation d’une balance commerciale déficitaire de 3 % du PIB. Absurdité sociale du fait de la hausse programmée d’au moins 20 % du prix de l’électricité. Absurdité financière d’un programme de retrait du nucléaire (fermeture de Fessenheim estimée à 2,5 milliards d’euros) et d’investissement massif dans les renouvelables dont le coût s’élève au minimum à 250 milliards d’euros sur dix ans. Insoutenable pour un État en faillite. Absurdité politique d’une démarche dont la seule logique est de donner des gages aux Verts.
Cinq priorités se dégagent pour la France :
- La restructuration des grands énergéticiens nationaux, sous-rentables et surendettés.
- La valorisation maximale du parc nucléaire par la prolongation de sa durée de vie à 60 ans sous réserve des investissements de sécurité indispensables.
- Le développement des énergies renouvelables rentables et la mise en exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
- Un effort de recherche massif dans les réseaux intelligents, le stockage de l’électricité, la captation du carbone, les immeubles à énergie positive et le véhicule électrique.
- La redéfinition de la politique européenne de l’énergie qui doit mieux coordonner les modèles nationaux mais surtout privilégier les investissements et réintégrer comme première priorité la sécurité du continent.
(Chronique parue dans Le Figaro du 23 juin 2014)