Le retrait constaté du président chinois pourrait annoncer le retour à une direction collégiale.
Avec pour objectif une réorientation économique.
La Chine est en train de mesurer la sagesse de la maxime de lord Acton selon laquelle « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ». L’opacité du régime interdit de connaître avec précision son fonctionnement et l’évolution des rapports de force en son sein.
Plusieurs signaux semblent cependant indiquer une remise en question du pouvoir à vie et du culte de la personnalité rétablis par Xi Jinping en 2018 grâce à la révision de la Constitution.
La réunion du Politburo du 30 juin, convoquée pour examiner la gouvernance du Parti et de ses comités, s’est ainsi achevée par une dépêche de l’agence Chine nouvelle rappelant l’importance de la collégialité des décisions et du respect de la Constitution. Xi Jinping n’a participé ni à la cérémonie du Conseil d’État organisée début juin, ni aux récents sommets internationaux, dont celui des Brics au Brésil, en juillet. Les purges se sont poursuivies au sein de l’Armée populaire de libération, mais elles visent désormais des généraux proches de lui.
Enfin, le secrétaire général apparaît en retrait dans les médias, et son intervention comme sa pensée n’ont pas été mentionnées à l’occasion de l’affrontement commercial avec les États-Unis.
Les problèmes structurels s’aggravent
Le pouvoir absolu de Xi Jinping semble avoir culminé en 2022, lors du 20e congrès du Parti communiste chinois. Il connut un premier revers majeur avec la stratégie du zéro Covid, levée en catastrophe le 7 décembre 2022 sous la pression des manifestations de la population et de l’arrêt de l’économie.
Aujourd’hui, la résistance victorieuse de Pékin face à la guerre commerciale lancée par Donald Trump, matérialisée par une croissance de 5,4 % au premier trimestre 2025 et plus de 100 milliards de dollars d’excédent en mars, ne parvient pas à masquer l’aggravation des problèmes structurels qui touchent l’économie, l’armée et l’image de la Chine dans le monde.
Sous des statistiques d’autant plus flatteuses qu’elles sont largement manipulées, l’économie chinoise s’enfonce dans la déflation. La démographie s’effondre avec une fécondité limitée à un enfant par femme, et la population active chute de 10 millions de personnes par an. La croissance réelle est inférieure à 3 % par an, minée par la baisse des prix industriels provoquée par les surcapacités de production, l’atonie du marché intérieur et le blocage progressif des exportations vers les États-Unis.
Une guerre des prix féroce lamine les entreprises industrielles, par ailleurs surendettées, notamment dans l’automobile. Le retard sur les semi-conducteurs s’accroît en dépit de centaines de milliards d’investissements. La demande interne reste désespérément déprimée, tandis que le taux d’épargne culmine à 31 % du revenu disponible des ménages en raison de la persistance de la crise immobilière et de la défiance envers les autorités.
La dette publique et privée approche 300 % du PIB, et les sorties de capitaux s’envolent. Le chômage monte fortement, particulièrement chez les jeunes, avec les délocalisations massives d’emplois vers l’Inde et l’Asie du Sud-Est.
Relancer le pacte économique et social
En dépit d’un budget porté à 300 milliards de dollars, le malaise de l’Armée populaire enfle avec la multiplication des purges. Simultanément, la course aux armements lancée par Pékin, son impérialisme débridé, le dumping systématique de ses exportations et l’accaparement d’actifs stratégiques dans le cadre des nouvelles routes de la soie suscitent de plus en plus d’opposition, tout particulièrement en Asie.
La préparation du 21e congrès du Parti communiste paraît devoir être placée sous le signe de la remise en question de la toute-puissance du président Xi. La nature totalitaire du régime et le monopole du parti ne sont nullement en cause ; sa libéralisation n’est pas à l’ordre du jour. Le maintien de Xi à la tête de l’État et son rôle de noyau de la direction ne sont pas menacés. Mais le parti mettrait fin à l’exercice solitaire du pouvoir et reviendrait à un mode de décision collégial.
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(Chronique parue dans Le Point du 28 juillet 2025.)
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