Le pays, prisonnier du piège du Brexit, se trouve, comme la France, dans une spirale du déclin dont seule une thérapie de choc pourrait le sortir.
En juillet 2024, la victoire sans appel du Labour de Keir Starmer aux élections législatives, avec 412 des 650 sièges de la Chambre des communes, avait fait naître l’espoir d’une renaissance de la social-démocratie et d’une sortie du Royaume-Uni de l’interminable crise économique et politique dans laquelle l’avait enfermé le virage populiste du Brexit. En moins d’un an, cette espérance a été balayée.
Loin de se redresser, le Royaume-Uni ressemble aujourd’hui à un bateau ivre. L’économie est à l’arrêt et le gouvernement cherche désespérément 50 milliards de livres pour boucler son budget.
Depuis le début de l’été se déroulent des manifestations continues devant les hôtels accueillant des demandeurs d’asile, tandis que les actes violents contre les immigrés se multiplient.
Le 13 septembre, une manifestation géante a rassemblé à Londres, à l’appel du militant ultranationaliste Tommy Robinson soutenu par Elon Musk, plus de 150 000 personnes brandissant des drapeaux de l’Union Jack et de la croix de saint Georges.
Répondant au mouvement « Hissez les couleurs », tout le pays se couvre d’emblèmes du Royaume-Uni ou de l’Angleterre.
La faiblesse du leadership de Keir Starmer et la chute de sa popularité se traduisent par la percée du parti Reform UK de Nigel Farage, qui caracole en tête des sondages avec 34 % des intentions de vote, contre 20 % pour le Labour et 15 % pour les conservateurs.
Aveu de faiblesse
Le seul succès à mettre à l’actif du gouvernement de Keir Starmer réside dans l’accord commercial conclu le 8 mai avec les États-Unis, qui limite la hausse des droits de douane à 10 %, soit un résultat bien meilleur pour 68 millions de Britanniques que pour 450 millions de citoyens de l’Union européenne (droits de 15 %, achat de 750 milliards d’énergie, de 40 milliards de puces et de 100 milliards d’armement supplémentaires, investissement de 600 milliards d’ici à 2028, exonération des entreprises américaines de la réglementation et de la fiscalité européennes).
Le Royaume-Uni a su jouer au mieux de la fascination de Donald Trump pour la monarchie britannique.
Mais celle-ci n’inclut ni le gouvernement ni les institutions parlementaires du Royaume-Uni. Et la seconde visite d’État dont a été gratifié en septembre Donald Trump, sans précédent pour un président des États-Unis, sonne davantage comme un aveu de faiblesse et un acte de soumission que comme une manifestation de souveraineté.
Sous ce demi-succès diplomatique qui peine à masquer le fossé qui se creuse avec une Amérique basculant dans l’illibéralisme pointe l’incapacité de Keir Starmer à résoudre les problèmes des Britanniques qui ont été démultipliés par le Brexit : l’explosion du coût de la vie avec l’envolée du prix du logement, de l’énergie et des transports ; l’effondrement des services publics, notamment dans la santé et l’éducation ; la montée d’une immigration incontrôlée et désormais extra-européenne.
Envolée du service de la dette publique
Le Royaume-Uni est cerné par les crises. Crise démographique avec une fécondité tombée à 1,41 enfant par femme.
Crise économique avec l’installation de la stagflation caractérisée par une croissance atone et inférieure à celle de la zone euro (1,1 %, contre 1,4 % en 2025), une productivité stagnante faute d’investissements, une inflation qui s’élève à 3,8 %, contre moins de 2 % dans la zone euro, une hausse du chômage qui frappe désormais 4,7 % de la population active.
Crise financière avec un déficit de 5,7 % et une envolée du service de la dette publique (101 %) en raison de la hausse des taux d’intérêt (5,55 %) liée à la défiance des marchés héritée du gouvernement aussi éphémère que calamiteux conduit par Liz Truss.
Crise budgétaire avec la chute de la croissance potentielle provoquée par les hausses d’impôts, notamment l’exil de près de 30 000 ménages, la sortie de 111 milliards de livres de capitaux et la destruction de 40 000 emplois déclenchés par la suppression du statut dit « non-dom ».
Crise sociale provoquée par la baisse du niveau de vie et la montée du chômage qui se traduit par la multiplication des grèves dans les secteurs de la santé, de l’éducation, des transports routiers et ferroviaires ou de la poste. Crise sécuritaire et migratoire avec une augmentation record de la population immigrée comme de l’immigration illégale (20 400 traversées de la Manche au premier semestre 2025).
Crise stratégique avec le contresens historique du Brexit et le projet mort-né de « Global Britain » au moment où la mondialisation éclate en blocs régionaux, où Donald Trump fait exploser l’Occident et l’Otan, où la Russie fait peser une menace existentielle sur l’Europe, où la Chine déverse le produit de ses formidables surcapacités industrielles sur l’Europe.
[…]
(Chronique parue dans Le Point du 7 octobre 2025.)
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