Emmanuel Macron prétend défendre l’information en appliquant les principes et les méthodes des régimes autoritaires. Un égarement de plus qui confirme que l’autoritarisme est le stade suprême du macronisme.

Nicolas Baverez. Francois Bouchon
Alors que la démographie, l’économie, les finances publiques, l’ordre public et jusqu’aux institutions de la Ve République s’effondrent, Emmanuel Macron a consacré ses récentes interventions à l’information et aux médias en ligne.
Et ce pour proposer leur labellisation ou leur certification par une autorité confiée à des professionnels de la presse, en fonction du respect des règles déontologiques.
Face aux inquiétudes suscitées par la création d’un « label d’État » ou d’un « ministère de la vérité », le président de la République a publié le 1er décembre sur X une vidéo mettant en cause, à travers des extraits, Pascal Praud, Philippe de Villiers, CNews et le groupe de médias possédé par Vincent Bolloré, en les accusant de diffuser de fausses informations.
La prise à partie nominative de journalistes, de publicistes ou de médias par un chef d’État ou de gouvernement viole les règles et l’esprit de la démocratie et n’a normalement cours que dans les démocraties illibérales, à l’image des États-Unis de Donald Trump, ou dans les régimes autoritaires.
Elle s’inscrit dans la droite ligne du mépris des médias et des tentatives d’intimidation qui sont devenus la marque de fabrique de l’Élysée depuis 2017 :
- sélection des journalistes autorisés à couvrir la présidence,
- contrôle des images,
- utilisation massive des réseaux sociaux,
- mobilisation des influenceurs,
- détournement des procédures du conseil et du secret-défense étendues à la santé ou à l’environnement.
Il n’en reste pas moins qu’Emmanuel Macron soulève un problème sérieux.
La démocratie est fondée sur l’accès à la connaissance et sur une information exacte, qui conditionnent la qualité du débat public et le vote éclairé des citoyens, assurant le lien entre la société civile et l’État.
C’est la raison pour laquelle le premier amendement de la Constitution des États-Unis affirme que « Le Congrès n’adoptera aucune loi pour limiter la liberté d’expression, ou celle de la presse ».
À l’inverse, les tyrannies, notamment les totalitarismes du XXe siècle, ont toujours associé le mensonge, érigé en vérité d’État, à la terreur, ce qui les conduisit à contrôler et manipuler l’information et les médias.
Depuis Athènes dont la démocratie fut corrompue par les démagogues avant même sa défaite face à Sparte, chacun sait que la rumeur, qui transforme la désinformation en vérité, constitue une arme de destruction massive de la liberté.
Or il est vrai que les réseaux sociaux, les algorithmes et l’IA l’ont transformée d’un artisanat pervers en une industrie florissante. Ils constituent une machine à atomiser les individus, segmenter le corps politique et social, radicaliser les opinions. Ils ont brisé le monopole de l’information que détenaient les médias traditionnels et les journalistes.
Ils ont massifié et robotisé la désinformation, comme on l’a constaté pendant la pandémie de Covid et comme l’illustrent X et Tik Tok, qui diffusent plus d’un tiers d’informations totalement erronées.
La montée en puissance des réseaux sociaux va ainsi de pair avec le recul de la démocratie, qui ne gouverne plus que 25 pays rassemblant 6,6 % de la population mondiale, face à 96 régimes autoritaires qui en régentent les deux tiers.
La crise de la démocratie et la falsification de l’information sont indissociables, qu’il s’agisse de leurs maux intérieurs avec la montée des populismes et des fanatismes, ou des périls extérieurs avec la guerre hybride engagée par les empires autoritaires, qui recourt en priorité à la désinformation et à l’ingérence dans le débat et les élections des nations libres.
Les réseaux sociaux développent une addiction envers les contenus toxiques. Ils sapent la légitimité et accaparent les ressources des médias classiques avec le déplacement massif de la publicité vers les plateformes numériques.
Dans le même temps, ils attisent la colère et les passions collectives, déchaînant le ressentiment contre les élites, la déstabilisation des institutions représentatives et la défiance envers les dirigeants.
La censure au nom d’une idéologie
Pour autant, les propositions d’Emmanuel Macron de labellisation et de certification des médias aggravent les maux qu’elles prétendent soigner.
La liberté de l’information ne peut être confiée ni à une autorité dont l’indépendance sera inversement proportionnelle à son caractère administratif, ni à une improbable autorité placée entre les mains de professionnels ou d’ONG.
L’autorégulation est tout aussi vouée à l’échec pour les médias que pour les marchés financiers ou le numérique.
Et le corporatisme ou les ONG, à l’image de RSF qui défend une information militante et non pas indépendante, ne sont ni légitimes, ni crédibles pour garantir la qualité de l’information ou le respect de la déontologie de journalistes.
La prétention de certains médias à détenir le monopole d’une information exacte et objective ne constitue pas une réassurance mais une menace pour la liberté de la presse en raison de leurs biais partisans.
A contrario force est de constater que le seul véritable contrepouvoir médiatique face à Donald Trump est le Wall Street Journal, dont la rigueur et l’éthique sont intransigeantes alors qu’il appartient à Rupert Murdoch, peu suspect de sympathie pour les Démocrates.
Emmanuel Macron prétend défendre l’information et la liberté des médias en appliquant les principes et les méthodes des régimes autoritaires. S’appuyant sur l’esprit des temps et sur la peur qui gangrène la société, il entend instaurer sur eux un contrôle indirect de la puissance publique, sous-tendu par le chantage aux aides publiques.
Son projet consiste bel et bien à instaurer un contrôle public sur l’information et les médias au moment même où l’État est incapable de remplir ses missions régaliennes – sécurité, justice, défense – comme d’assurer les services de base à la population – éducation, santé, logement -.
Tout ceci se résume en un mot : la censure au nom d’une idéologie et d’une morale qui servent de masque à des intérêts personnels et partisans.
Jean-François Revel en avait parfaitement résumé la logique dans La Tentation totalitaire : « C’est l’histoire sérieuse qui élimine ou refoule l’histoire partiale ; c’est le journalisme probe qui peut faire reculer le journalisme vénal, et non point une commission administrative dont le premier soin est en général de distribuer quelques fonds secrets ».
(…)
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(Chronique parue dans Le Figaro du 6 décembre 2025)
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