La nouvelle donne de la mondialisation a marqué l’année 2013. Qu’en sera-t-il pour 2014.
L’année 2013 a vu pointer une nouvelle donne pour la mondialisation. Elle n’a pas cédé devant la répression financière et le protectionnisme -comme l’a prouvé l’OMC avec l’accord de Bali- mais se polarise autour des ensembles régionaux et d’un réseau de métropoles. Une rotation de la croissance se dessine, caractérisée par le ralentissement des pays émergents et la reprise des pays développés, tirée par le dynamisme des États-Unis, le déploiement des Abenomics au Japon, la réduction des tensions financières dans la zone euro. La généralisation des politiques monétaires expansionnistes a contrebalancé l’instabilité politique générée par le bras de fer budgétaire engagé et perdu par les élus du Tea Party aux États-Unis ou par la tentative avortée de la France de contester le leadership intérieur et européen de Mme Merkel par le lancement d’une improbable ligue méditerranéenne.
Sur le plan géopolitique, la rivalité pour le leadership au XXIe siècle entre les États-Unis et la Chine prend corps. Les États-Unis, forts de leur puissance économique et technologique retrouvée, de la révolution des hydrocarbures non conventionnels et de la percée diplomatique réalisée avec l’Iran à travers l’accord de Genève, accélèrent leur mouvement de pivot vers le Pacifique sur fond de désengagement de l’Europe et du Moyen-Orient. La Chine de Xi Jinping a fait le choix déterminé de la réforme de son modèle économique tout en soumettant l’Asie à une stratégie de la tension symbolisée par la création unilatérale d’une zone d’exclusion aérienne en mer de Chine, avec pour objectif le contrôle du Pacifique et des détroits vers l’Indien. Dans le monde arabo-musulman, les révolutions basculent dans un chaos sanglant en Syrie et en Libye ou actent l’échec de l’islam politique en Égypte et en Tunisie. L’Afrique poursuit son décollage économique en dépit de la pression terroriste et des risques de guerre civile illustrés par la Centrafrique.
L’année 2014 devrait conforter cette configuration, qui associe sortie progressive de la grande crise de la fin des années 2000 et remontée des risques politiques. La croissance accélérera pour atteindre 3,4 % contre 2,8 % en 2013, sur fond de lente décrue du chômage et de faible inflation.
Les crises et les chocs économiques ne sont nullement derrière nous : il faudra attendre le désendettement public et privé ainsi que le retour au plein-emploi pour clore le cycle de l’économie de bulle ouvert dans la décennie 1990. Mais ils tendent à se réduire quand les risques politiques enflent.
Risques politiques internes aux nations avec l’envolée des populismes en Europe qui va culminer lors des élections européennes de mai 2014, mais aussi avec la révolte croissante des nouvelles classes moyennes du Sud, urbaines, éduquées, connectées, ouvertes sur le monde, face aux inégalités, à la corruption et aux lacunes de l’État de droit -révolte qui court de la Russie au Brésil en passant par l’Inde, la Thaïlande ou la Turquie- , ou avec la multiplication des guerres civiles – de la Syrie à la Centrafrique.
Risques géopolitiques avec le durcissement des conflits de souveraineté, l’exacerbation des nationalismes et la course aux armements en Asie, alimentée par l’impérialisme chinois comme par l’ascension aux extrêmes du totalitarisme nord-coréen. L’Asie-Pacifique, en même temps qu’elle s’affirme comme le cœur du capitalisme universel, concentre les tensions du XXIe siècle sans disposer d’instruments de gestion de crise comparables à ceux mis en place entre les États-Unis et l’URSS durant la guerre froide. Risques terroristes liés aux difficultés récurrentes de l’islam pour s’adapter à la modernité et au foisonnement des États effondrés comme le Mali, qui favorisent l’hybridation entre groupes extrémistes et activités criminelles. n’est que transitoire et prévoit un délai de six mois pour un texte définitif, mais aussi de la Russie de Vladimir Poutine, qui ne renonce pas à reconstituer son glacis impérial, des États baltes à la Géorgie en passant par l’Ukraine du président Ianoukovitch qui a abdiqué sa souveraineté contre un prêt de 15 milliards de dollars et la réduction d’un tiers du prix des livraisons de gaz offerts par Moscou.
Cette nouvelle donne plus stable économiquement et plus volatile politiquement offre une opportunité exceptionnelle aux pays développés de reprendre pied dans la mondialisation et d’instaurer une balance des pouvoirs plus équilibrée face aux grands émergents. Ce sont plus que jamais la force du leadership des dirigeants et la capacité d’adaptation des économies et des sociétés qui feront la décision. Pour ces raisons, il y a tout à craindre que 2014 soit une nouvelle année perdue pour le redressement de la France. Une nouvelle année blanche en termes de croissance, d’investissement, d’emplois et de réformes. Une nouvelle année noire en termes d’impôts et de réglementation, de chômeurs et d’exclus, de faillites d’entreprises et d’exil des talents, de course à la démagogie et d’espace ouvert aux extrémistes. Pour notre pays, 2014 sera décisive : soit la France change radicalement de politique, se réforme et prend le tournant de la compétitivité ; soit elle s’engage dans l’accélération de son déclin et de sa paupérisation, avec pour seule perspective la montée du populisme et de la violence.
(Chronique parue dans Le Figaro du 23 décembre 2013)