Réindustrialisation, armement, dette, éducation, santé… L’inertie touche tous les domaines de l’action publique. L’histoire, elle, bascule.
Plus l’histoire accélère, plus la France est immobile. L’âge des empires succède à l’après-guerre froide. Les États-Unis basculent dans l’illibéralisme, la mondialisation se referme et la guerre de haute intensité effectue un retour en force. L’Europe se trouve prise sous le feu croisé du protectionnisme et du retrait de la garantie de sécurité des États-Unis, de la menace militaire de la Russie et du dumping industriel de la Chine. Face à ce maelström sans précédent depuis les années 1930, les Européens s’activent. La France, elle, fait exception, qui demeure à l’arrêt, figée dans le déni du basculement du monde, réduite à l’inaction par l’impuissance de l’État, enfermée dans des postures et des débats déconnectés de toute réalité.
Avant les annonces de Donald Trump sur les droits de douane, la croissance française était au mieux de 0,5 % pour 2025. Les exportations vers les États-Unis représentent 1,7 % du PIB et sont vitales pour 28000 entreprises. Dans le meilleur des cas, notre économie échappera donc de justesse à la récession, sur fond d’envolée des faillites et du chômage. Le déficit public tendra vers 6 % du PIB, et la dette, vers 120 % du PIB. Et ce alors que le blocage de la croissance et la tension sur les taux longs la rendent insoutenable.
Or, loin de lancer une mobilisation générale pour réassurer nos entreprises et nos finances publiques exsangues, les autorités françaises se contentent de communiquer sur des coupes dans les dépenses publiques pour 2026 tout en les laissant dériver cette année.
L’inertie est devenue chronique et touche tous les domaines de l’action publique. Aux antipodes des satisfecit sur la compétitivité et l’attractivité, la désindustrialisation sévit de plus belle tandis que les investissements étrangers stagnent en raison d’un mur de taxes, de charges et de normes encore augmenté par la loi de finances pour 2025. L’énergie est le royaume d’Ubu, où l’État limoge et humilie Luc Rémont, l’homme qui a redressé en deux ans les comptes d’EDF, passés de 18 milliards d’euros de pertes à 36 milliards de bénéfices. Dans l’éducation, la priorité va à la chasse aux sorcières contre les établissements privés du secondaire et du supérieur, diversion dérisoire pour
« Quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux », soulignait Raymond Aron.
éviter de traiter le problème central de l’effondrement du niveau des élèves comme des professeurs. La dégradation du système de santé s’amplifie également, illustrée par l’explosion de la mortalité infantile, qui a bondi à 4,1 pour 1000 enfants nés vivants –soit le 23e rang sur 27 dans l’Union ! –, ou par la descente aux enfers de la psychiatrie au moment où elle est érigée en grande cause nationale. Sous les ambitions démesurées de porter l’effort de défense entre 3,5 et 5 % du PIB ou les appels aux financements privés, le réarmement demeure l’arme au pied: les forces ne reçoivent pas un euro supplémentaire et les crédits de paiement pour les commandes d’équipement sont bloqués.
Alors que le président de la République ne cesse d’utiliser une rhétorique guerrière, la décision publique est au point mort, découplée de l’action et du principe de réalité. L’État pèse de plus en plus sur les citoyens par ses coûts, mais n’accomplit rien, étranger à toute obligation de moyen ou de résultat. Le gouvernement, placé sous l’épée de Damoclès de la censure, a pour seule boussole de durer en négociant un sursis supplémentaire en récompense de son apathie. Le Parlement est saturé d’une avalanche de textes aussi inutiles que mort-nés. Le système politique est non seulement paralysé mais tout entier tendu vers l’anesthésie de la nation.
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Chronique parue dans Le Point du 17 avril 2025