La panne géante qui a touché l’Espagne le mois dernier met en lumière l’impératif de politiques énergétiques de long terme et souligne les errances françaises en la matière.
Lundi 28 avril à 12 h 33, le système électrique espagnol a perdu 15 GW de puissance, soit 60 % de la consommation, ce qui a entraîné l’arrêt des centrales nucléaires pour leur mise en sécurité et la rupture de la connexion avec la France. Il en est résulté un blackout de plus de douze heures en Espagne et au Portugal, qui a paralysé les transports, les télécommunications, les systèmes de paiement, les chaînes de production, jetant dans le chaos 60 millions d’habitants. Cette panne géante trouve son origine dans les fluctuations de la production solaire dans le sud-ouest de l’Espagne, qui ont provoqué l’effondrement d’un réseau vulnérable, compte tenu de sa position géographique qui limite les interconnexions.
Ce black-out rappelle que l’électricité est un bien essentiel pour les ménages comme pour les entreprises ou les services publics. Elle joue un rôle clé dans la transition écologique comme dans la compétitivité de l’économie. Elle est aussi un bien singulier puisqu’elle ne peut être stockée et que le réseau doit être équilibré à tout moment. Dès lors, le premier impératif pour un système électrique doit être la sécurité, en tenant compte de ce que la production éolienne ou solaire, contrairement au nucléaire et à l’hydraulique, n’est ni permanente, ni programmable, ni pilotable.
Pour avoir oublié ces principes, l’Union européenne, sous l’influence de l’Allemagne, a mis en place une organisation électrique ruineuse qui conjugue des risques élevés de black-out et des prix exorbitants, accélérant la désindustrialisation, le ralentissement de la transition écologique avec le recours au lignite, la dépendance au gaz comme au monopole que la Chine s’est forgé à grand renfort de subventions dans les équipements solaires et éoliens. Le contraste est total avec les États-Unis, qui réinvestissent dans les fossiles, mais aussi et surtout dans le nucléaire, dont la production stable, pilotable, décarbonée et à coût maîtrisé constitue la réponse idéale aux gigantesques besoins du secteur numérique, liés notamment aux data centers.
Le réinvestissement dans l’énergie nucléaire se heurte à un mur économique.
La France, qui disposait avec son secteur nucléaire d’un atout majeur dans la concurrence internationale comme dans la révolution numérique et la transition écologique, l’a méthodiquement saccagé. La loi de programmation pluriannuelle sur l’énergie pour les années 2019 à 2028, qui reste en vigueur, organise la décroissance de la consommation et de la production, avec la fermeture de 14 réacteurs décidée par Emmanuel Macron. Depuis, le président de la République a réalisé une volte-face pour exiger la construction de 14 EPR, dont 6 le plus rapidement possible. Mais le projet de programmation couvrant la période de 2025 à 2035 demeure tout aussi incohérent, déconnecté de la rationalité économique comme des bouleversements géopolitiques.
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Chronique parue dans Le Point du 8 mai 2025