Les réformes du prince héritier Mohammed ben Salmane ont transformé le royaume et l’ont érigé en plateforme diplomatique majeure.
En choisissant l’Arabie saoudite pour son premier voyage officiel, Donald Trump a mis en scène son « art du deal ». Ont ainsi été annoncés 142 milliards de dollars de ventes d’armes et 600 milliards d’investissements aux ÉtatsUnis, mais aussi l’érection d’une Trump Tower à Djeddah et l’acquisition massive de la cryptomonnaie lancée par la famille du président. Mais cette visite couronne aussi la transformation du royaume, qui s’impose comme une économie émergente et un acteur majeur du XXIe siècle.
Le prince Mohammed ben Salmane, arrivé au pouvoir en juin 2017, a entrepris de changer radicalement l’Arabie saoudite, après avoir fait le constat qu’elle se trouvait dans une impasse en raison du djihadisme et des Printemps arabes, de la fin programmée de la rente pétrolière, de la constitution par l’Iran d’un empire chiite, de la fragilisation de l’alliance avec les États-Unis. Le plan Vision 2030 s’est ainsi fixé pour but de mobiliser les recettes du pétrole pour diversifier l’économie et l’émanciper des hydrocarbures, développer le secteur privé, investir dans les services et les technologies, libéraliser et ouvrir la société.
Les débuts ont été chaotiques. L’affirmation du pouvoir absolu et le recours à la force ont compromis la modernisation. Mais le prince a su tirer les enseignements de ses erreurs. Réalisant que l’arbitraire et la violence étaient incompatibles avec l’émergence du royaume, il a donné la priorité à la conversion du modèle économique et social.
Cette stratégie porte ses fruits. Riyad profitera en 2025 d’une croissance de 3,3 %, tirée par l’investissement et par les recettes non pétrolières (38 % des ressources budgétaires). L’inflation est limitée à 1,7 %. Le chômage, depuis 2017, a été réduit de 5,6 à 3,3 % de la population active, de 11,5 à 7,1 % pour les Saoudiens, de 34,5 à 11,6 % pour les femmes. Le plan Vision 2030, porté par les investissements publics, se traduit certes par un déficit de 2,3 % du PIB. Pour autant, la dette, qui a progressé jusqu’à 29,3 % du PIB, demeure parfaitement soutenable en raison d’une position extérieure nette créditrice à hauteur de 70 % du PIB et de 450 milliards de dollars de réserves de change.
Surtout, l’Arabie saoudite émerge à grande allure. La diversification est en marche, notamment dans l’industrie (contenu local porté de 37 à 63 % dans les
La France devrait tirer toutes les leçons de cet essor accéléré acquis à coups de réformes.
hydrocarbures), la logistique (passée du 55e au 38e rang mondial), les technologies avec une spécialisation dans les jeux vidéo et l’e-sport, le tourisme (4,5 % du PIB et un objectif de 100 millions de visiteurs), le sport et le divertissement (F1, foot, JO…). La société a été révolutionnée par la réhabilitation des femmes et la fin de la police religieuse.
L’amélioration des conditions de vie est effective, avec une part de familles propriétaires de leur logement portée de 47 à 64 %, la couverture santé de 96,5 % de la population, la hausse de l’espérance de vie de 74 à 78 ans.
Sur le plan politique, le royaume s’est détaché du wahhabisme et entend se refonder autour d’un projet national, qui intègre la redécouverte de l’héritage préislamique autour des sites nabatéens d’Al-Ula. Enfin, il s’est imposé comme une plateforme diplomatique majeure, un médiateur apprécié entre les nouveaux empires et une puissance incontournable du Moyen-Orient. Il ne table plus sur les affrontements mais sur le règlement des conflits – accords d’Abraham, négociations avec l’Iran, organisation de la conférence de l’ONU sur la Palestine, crise politique du Liban, reconstruction de la Syrie et, demain peut-être, de Gaza.
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Chronique parue dans Le Point du 22 mai 2025