Tirons les leçons de Munich et ne négligeons pas les risques d’une fausse paix qui serait avalisée par les démocraties.
Le choix d’Anchorage, en Alaska, pour tenir le sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine, est symbolique de l’inquiétant rapprochement entre les États-Unis et la Russie – et ce d’autant que, pour ajouter à la confusion, le président américain a oublié à deux reprises que ce territoire a été racheté par Washington à Moscou en 1867 pour 7 millions de dollars.
Annoncée comme historique, la rencontre s’achève sur un dangereux trompe-l’œil. En apparence, rien ne s’est déroulé comme prévu, avec des entretiens réduits à trois heures au lieu de six, la suppression du déjeuner et une conférence de presse expédiée en une douzaine de minutes.
En apparence toujours, aucun accord n’a été conclu pour régler la guerre d’Ukraine. En réalité, Vladimir Poutine a remporté une victoire totale, dans la droite ligne de la calamiteuse rencontre d’Helsinki de 2018, qui avait vu Donald Trump lui donner raison et désavouer ses propres services secrets sur les ingérences russes dans l’élection présidentielle de 2016.
Le président russe réhabilité
La première réussite porte sur l’image et la communication. Contrastant avec l’humiliation infligée à Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche, Vladimir Poutine a été reçu sur le territoire américain avec tous les honneurs – du tapis rouge à l’invitation dans la Cadillac présidentielle.
Le sommet d’Anchorage acte ainsi sa réhabilitation et sa réintégration sur la scène internationale, alors qu’il a déclenché et qu’il poursuit la guerre la plus longue et la plus meurtrière en Europe depuis 1945, alors qu’il est inculpé de crimes de guerre et visé par un mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale.
La troisième percée, qui comporte encore une part d’incertitude, porte sur l’alignement des États-Unis sur la Russie pour la sortie du conflit ukrainien. Les craintes des Européens, que l’absence d’annonce avait paru écarter, semblent se réaliser.
Non seulement Donald Trump n’a obtenu ni cessez-le-feu, ni suspension des offensives russes, ni arrêt des frappes sur les infrastructures et les populations civiles, mais il paraît encore s’être rallié aux conditions de la prétendue « paix durable », fixées par Vladimir Poutine, qui reviennent à une capitulation de l’Ukraine : cession des deux oblasts de Donetsk et Louhansk, gel du front dans les régions de Zaporijia et de Kherson, garantie de sécurité collective floue donnée à Kiev en dehors de l’Otan.
Tous les principes de la dictature russe avalisés
L’ultime triomphe est stratégique, politique et moral. Vladimir Poutine a neutralisé la seule option qui aurait pu lui rendre la guerre d’Ukraine plus coûteuse que la paix, option qui reposait sur une aide militaire américaine massive à Kiev associée à de puissantes sanctions primaires et secondaires qui auraient introduit un coin entre Moscou et ses alliés. Il a isolé l’Ukraine, creusé le fossé entre les États-Unis et l’Europe – accusée de « saper les progrès escomptés vers la paix » –, poursuivi le travail de désintégration de l’Otan.
Sous couvert de flatter l’obsession de Donald Trump pour le deal, de lui faire miroiter des investissements dans les terres rares, d’encourager la confusion des intérêts publics et privés, il a fait avaliser par le président des États-Unis tous les principes de la dictature russe : ordre mondial fondé sur des zones d’influence impériales, négation de la souveraineté et de l’intangibilité des frontières des nations situées à proximité des puissances impériales, primat de la force sur le droit.
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(Chronique parue dans Le Point du 21 août 2025.)
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