La chute programmée de François Bayrou illustre tragiquement l’irresponsabilité illimitée qui s’est emparée du système politique français. Après la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024, la dissolution du gouvernement ne fera qu’aggraver la crise de régime.
En annonçant le 25 août qu’il demanderait un vote de confiance à l’Assemblée le 8 septembre sur le fondement de l’article 49.1 de la Constitution, François Bayrou a dissous son gouvernement, avec la même irresponsabilité et le même mépris pour l’intérêt national dont Emmanuel Macron fit preuve en dissolvant l’Assemblée en juin 2024.
Lui aussi a placé ce coup de force sous le signe d’une improbable clarification, alors qu’elle ajoute à la confusion en superposant une crise artificielle à une multitude de risques économiques, sociaux et géopolitiques bien réels. Lui aussi exerce une forme de chantage en prétendant forcer les députés à choisir entre lui et le chaos. Lui aussi donne une prime à la radicalité et fait le jeu des extrémistes qui ne prospèrent jamais plus que dans un climat anxiogène et dans l’urgence, excluant tout débat et condamnant la raison à être emportée par les passions. Lui aussi a perdu d’avance son pari, qui revient à censurer lui-même son gouvernement afin d’embellir sa chute en laissant croire qu’elle est volontaire et non subie.
Pour être crédible et avoir une chance de succès, sa démarche n’aurait pas dû être improvisée après l’échec de sa tentative de contournement du Parlement par l’opinion via une chaîne YouTube qui n’a réuni que quelques milliers de Français. Elle aurait dû s’inscrire dans une stratégie politique et budgétaire reposant sur la mobilisation de tous les partis de gouvernement et de la société civile durant tout l’été pour obtenir un compromis sur un cadre financier permettant d’aller jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 sans secousse sur la dette.
Mais rien n’a été fait. Plutôt que de travailler à la construction d’un accord et d’un budget, François Bayrou a préféré jouer le destin de la France à la roulette russe avec toutes les balles dans le chargeur.
Crise de régime
La chute programmée du gouvernement de François Bayrou illustre tragiquement l’irresponsabilité illimitée qui s’est emparée du système politique français, du président de la République, qui se réjouit secrètement de la déconfiture d’un premier ministre qui s’était imposé à lui, aux pseudo-partis de gouvernement en passant par les membres du gouvernement qui se sont distingués par leur silence et leur effacement au cours de cet été décisif. Elle témoigne aussi de la bulle spéculative dans laquelle s’est enfermée la décision publique dans notre pays, coupée des Français comme des réalités économiques et géopolitiques.
Car si le bilan du gouvernement de François Bayrou est proche du néant, les conséquences de sa chute seront majeures, avec une accélération brutale de la crise politique, sociale et financière. En enchaînant la dissolution de l’Assemblée puis du gouvernement, Emmanuel Macron et François Bayrou ont dissous les institutions de la Ve République. Nous ne vivons plus une crise politique mais une crise de régime. La France est un bateau ivre, privée non seulement de gouvernement, de majorité, de budget, mais aussi d’État en raison d’une instabilité de l’exécutif désormais supérieure à celle de la IVe République qui interdit tout redressement du pays.
Dans le même temps, la violence prospère et la colère sociale s’amplifie, à l’image du mouvement Bloquons tout, avec la paupérisation massive de la population en raison du blocage de la croissance, de la permanence d’un chômage structurel et de l’arrêt forcé de la distribution de pouvoir d’achat fictif via la dette publique.
De fait, la crise financière, longtemps niée, est désormais lancée et le garrot se resserre. Le service de la dette (114 % du PIB) est en passe de devenir le premier budget de la nation en atteignant 100 milliards d’euros en 2028.
Les taux vont s’envoler avec la dégradation prévisible de la notation financière de notre pays, mais aussi le retour de l’Allemagne sur les marchés et le spectaculaire redressement des autres pays d’Europe du Sud qui empruntent désormais moins cher. La dette devient insoutenable dès lors que la croissance nominale, comprise entre 2 % et 2,5 %, est durablement inférieure aux taux d’intérêt (3,5 %). La France va donc droit à sa mise sous tutelle par le FMI, la Commission européenne et la BCE.
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(Chronique parue dans Le Figaro du 31 août 2025)
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