En 2025, pour la première fois depuis 1945, la France comptera plus de décès que de naissances.
Face à cette nouvelle donne démographique, il y a urgence à conclure un nouveau pacte politique et social qui rétablisse l’équilibre entre les générations.

Nicolas Baverez. Francois Bouchon
La démographie commande à l’histoire comme à l’économie, déterminant la prospérité, la puissance et la survie des nations.
Mais elle apparaît négligée par la plupart des pays développés. Or la démographie se venge brutalement quand on prétend l’ignorer. Et des révolutions majeures sont aujourd’hui à l’œuvre.
Depuis 2019, l’accroissement de la population mondiale est inférieur à 1 % par an alors qu’il était de 2,3 % dans les années 1950, tandis que la fécondité a chuté de 5 à 2,3 enfants par femme, préparant le retournement de la population mondiale qui diminuera à partir de la moitié du siècle. Depuis 2010, les plus de 65 ans sont plus nombreux que les moins de 5 ans.
Le grand ralentissement de la démographie mondiale reste très inégalement réparti.
- Deux tiers des habitants de la planète vivent dans des zones où le seuil de renouvellement des générations n’est pas atteint et où la population va baisser.
- Dans le monde développé, seuls les États-Unis conservent une population en expansion, qui atteindra 370 millions d’habitants en 2050.
- En Europe, la population n’est stabilisée que par l’immigration et devrait perdre une vingtaine de millions d’habitants à cet horizon.
- Au sein du Sud, l’Inde comptera alors 1,6 milliard d’habitants contre 1,3 pour la Chine.
- Seule l’Afrique conserve des taux de fécondité supérieurs à 5 enfants par femme au Sahel, dans la Corne et en Afrique centrale, qui porteront sa population à 2,5 milliards d’habitants avec un âge médian de 19 ans en 2050.
La démographie de la France, sur la lancée des Trente Glorieuses, a longtemps semblé échapper à son déclassement comme à l’hiver démographique européen.
Cette exception est terminée.
- En 2024, n’ont été enregistrées que 663.000 naissances, soit 21,5 % de moins que 2010, pour 646.000 décès.
- En 2025, pour la première fois depuis 1945, notre pays comptera plus de décès que de naissances.
L’augmentation de la population n’est plus assurée que par l’immigration, qui représente 10,6 % de la population et génère 30 % des naissances tout en soulevant des difficultés majeures d’intégration.
La chute de notre démographie s’explique par l’écroulement de la fécondité, passée de 2,03 à 1,59 enfant par femme en métropole depuis 2010.
Ce niveau est identique à celui de 1919, au lendemain du carnage de la Grande Guerre.
Notre pays converge ainsi à vitesse accélérée vers la moyenne de l’Union européenne (1,46 enfant par femme), très loin du seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme).
L’accélération du vieillissement
Les raisons de la dénatalité sont diverses et complexes.
Le nombre de femmes en âge de procréer reste stable mais l’âge moyen de la maternité s’est fortement élevé. Dans les pays développés, les jeunes adultes rencontrent des difficultés croissantes pour accéder à un emploi stable et se loger et sont les premières victimes de la paupérisation des classes moyennes.
Et ce alors que le coût d’un enfant entre sa naissance et son vingtième anniversaire s’élève en France à 180.000 euros. Les couples sont de plus en plus précaires.
Les difficultés pour les femmes de concilier vie familiale et professionnelle augmentent, notamment du fait de l’insuffisance et du coût des systèmes de garde.
En France, le démantèlement de la politique familiale par François Hollande en 2014, avec l’amputation du quotient familial et la fin de l’universalité des allocations, a précipité la chute des naissances.
Enfin, les réseaux sociaux promeuvent un individualisme radical, tandis que la multiplication des chocs et des crises, l’anxiété climatique, la montée des tensions internationales et le retour des guerres ont installé la peur de l’avenir.
La dénatalité a pour corollaire l’accélération du vieillissement : ainsi, en France, la pyramide des âges s’inversera en 2038, avec davantage de personnes âgées de plus de 70 ans que de moins de 20 ans. Elle est synonyme de décroissance économique, du fait de la diminution du nombre d’actifs, de la contraction de la demande, de l’affaiblissement de l’innovation.
Elle pèse négativement sur les finances publiques, en réduisant les recettes fiscales tout en poussant à la hausse les dépenses de retraite et de santé (le ratio de dépendance en Europe bondira de 33 à 50 % d’ici à 2050).
Enfin, elle enferme les nations dans le malthusianisme mêlant protection des rentes, refus du risque, rejet des réalités économiques et géopolitiques, ce qui les met à la merci des États prédateurs, comme la France en fit la tragique expérience en 1940. Il est donc temps de sortir du déni et de replacer la démographie au cœur des politiques publiques, tout particulièrement en Europe et en France.
(…)
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(Chronique parue dans Le Figaro du 16 novembre 2025)
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