Le président américain impulse, aux États-Unis et dans le monde, une dynamique comparable à celle de la Grande Dépression.
La politique économique de Donald Trump constitue la déstabilisation la plus violente depuis les années 1930. Au-delà du tournant protectionniste, celle-ci engage une guerre économique totale qui vise non seulement la Chine mais aussi l’ensemble du monde développé, à commencer par l’Europe. Le président américain ne ruine pas seulement quatre-vingts ans de leadership économique et technologique des États-Unis, il réactive la menace d’une dépression mondiale du type de celle des années 1930, qui avait été conjurée in extremis lors du krach de 2008.
Le krach de Wall Street du 24 octobre 1929 vit l’éclatement de la bulle spéculative sur les actions américaines, dont le cours avait été multiplié par 2,25 en moins de trois ans. Cette secousse boursière aurait pu être maîtrisée, mais deux erreurs tragiques la transformèrent en dépression mondiale. La première fut commise par la Réserve fédérale des États-Unis (Fed), qui augmenta ses taux et provoqua une violente récession : entre 1929 et 1932, la production industrielle chuta de 35 %, les prix de gros plongèrent de 42 % et plus de 5 000 faillites bancaires furent enregistrées, le chômage, passant de 1,5 à 12 millions de personnes et touchant près du quart des actifs, explosa.
La seconde relève du pouvoir politique, avec la loi Hawley-Smoot de juin 1930, qui, en augmentant les droits de douane de 13 à 20 %, provoqua une flambée du protectionnisme et une vague de dévaluations compétitives, ouverte par le Royaume-Uni et le Japon dès 1931 puis amplifiée par Roosevelt avec la suspension de la convertibilité du dollar puis sa dévaluation en 1934. Au même moment, la France fit le choix suicidaire du bloc-or, qui ajouta la déflation à la déflation, cassant la production et l’emploi.
En trois ans, la dépression des années 1930 détruisit la production industrielle, les échanges de biens et de capitaux et le système monétaire international, n’épargnant que l’Union soviétique. Elle cloisonna le système mondial, exacerbant les nationalismes et les tensions économiques. Elle atomisa les classes moyennes,
L’Europe, qui est la première cible de la Maison-Blanche, doit se réinventer.
permettant l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne et faisant basculer dans l’autoritarisme la majorité des pays développés. Elle lança une dynamique de guerre économique qui déboucha sur le second conflit mondial.
Donald Trump impulse une dynamique comparable. La croissance mondiale sera amputée de 2 points par la hausse des tarifs douaniers tandis que le commerce international, qui devait progresser de 2,7 %, reculera de 0,5 % à 1,5 %. La production industrielle diminuera avec la désintégration des chaînes d’approvisionnement. Les empires autoritaires basculent en économie de guerre, les blocs se referment, les conflits armés montent aux extrêmes en Ukraine, au Moyen-Orient, en Asie avec l’affrontement entre l’Inde et le Pakistan ou les menaces sur Taïwan.
La Chine a anticipé depuis une décennie cette nouvelle ère en se découplant des États-Unis, en organisant sa résistance aux sanctions, en accélérant son rattrapage technologique, en pratiquant un dumping systématique et en dévaluant le yuan pour protéger ses parts du marché mondial, en vendant peu à peu ses titres de la dette américaine. La Russie a plongé dans une économie de guerre totale, consacrant 7 % de son PIB et 40 % du budget fédéral à la défense.
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Chronique parue dans Le Point du 19 juin 2025