En signant un accord sur les droits de douane unilatéral et déséquilibré, Bruxelles entérine sa soumission aux États-Unis.
Le 21 août a été rendu public le Framework Agreement sur le commerce entre les États-Unis et l’Union européenne, qui formalise l’accord annoncé par Donald Trump et Ursula von der Leyen en Écosse le 27 juillet. Célébré à Washington, il a été occulté à Bruxelles.
Et pour cause !
Il marque en effet une soumission complète de l’Union à Donald Trump, qui fait de l’Europe la grande perdante de la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis.
Ironiquement qualifié de « réciproque, juste et équilibré », l’accord est en réalité un acte unilatéral, asymétrique et à l’avantage des seuls États-Unis. Les pseudo-négociations ont encore renforcé les concessions de l’Union sans aucune contrepartie.
Alors que les droits moyens pour les exportations européennes sont portés de 4,7 à 15 %, y compris pour les vins et spiritueux, ceux qui s’appliquent aux exportations de biens industriels américains sont réduits de 4 à 0 %.
Cette suppression de tout droit pour les produits américains conditionne la baisse de 27,5 % à 15 % des taxes sur les exportations d’automobiles européennes. L’acier et l’aluminium restent par ailleurs frappés de droits dissuasifs de 50 %.
600 milliards d’investissements aux États-Unis d’ici à 2028
La fixation des droits à 15 % au lieu de 30 % est soumise à trois autres engagements des Européens : l’achat de 750 milliards de dollars de gaz et de pétrole non conventionnels et d’au moins 40 milliards de puces électroniques ; la réalisation de 600 milliards d’investissements des entreprises européennes sur le territoire américain d’ici à 2028 ; l’augmentation des achats de matériel militaire aux États-Unis, alors qu’ils fournissent déjà 64 % des importations d’armes par les pays de l’Union, importations qui représentent la moitié de leur budget d’équipement.
Enfin, sur le plan réglementaire, l’Union, après avoir renoncé à appliquer l’impôt minimal de 15 % sur les bénéfices des entreprises américaines, accepte de supprimer tout obstacle aux échanges de données numériques et de les exonérer des normes environnementales en les excluant notamment du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, des directives CSRD et CS3D ou encore des textes sur la lutte contre la déforestation.
Les sociétés américaines exportant ou opérant dans l’Union sont ainsi placées hors du champ de la fiscalité et de la législation européennes.
La victoire de Donald Trump est aussi totale que la débâcle de l’Union. Les entreprises américaines se voient reconnaître un avantage compétitif décisif quand leurs concurrentes européennes sont laminées.
En plus du blocage de la productivité, des surcoûts du travail et de l’énergie, elles devront supporter des droits de douane de 15 % contre zéro, auxquels s’ajoutent la dévaluation compétitive du dollar de 10 % ainsi qu’un fardeau réglementaire et fiscal insoutenable.
Elles ont désormais pour seule alternative de se délocaliser aux États-Unis ou de disparaître.
La sécurité de l’Union en question
Le déséquilibre est tout aussi manifeste sur le plan juridique. Alors que l’Union multiplie les engagements fermes – pour lesquels, en dehors des droits de douane, la Commission n’est pas compétente et n’a reçu aucun mandat des États membres –, les États-Unis n’ont souscrit à aucune obligation.
Ils peuvent à tout moment fixer les droits à 30 % en se prévalant du non-respect par les Européens d’une des multiples obligations mises à leur charge – notamment le financement de 600 milliards d’investissements aux États-Unis que nul ne sait définir, calculer ou suivre.
La stabilité du cadre commercial qu’est censé apporter l’accord relève donc de la fiction.
Il en va de même dans le domaine de la sécurité. La Commission a entériné l’approche de Donald Trump qui entend échanger la réassurance stratégique des alliés de l’Amérique contre des avantages commerciaux, des investissements et des emplois ainsi que le financement du déficit et de la dette des États-Unis.
Mais c’est un marché de dupes car Donald Trump, non content de ne donner aucune garantie sur la défense de l’Europe, bloque l’aide à l’Ukraine, s’aligne sur les positions de la Russie, légitime Vladimir Poutine en déroulant pour lui le tapis rouge à Anchorage, tue dans l’œuf l’émergence d’une défense autonome de l’Europe en exigeant que son réarmement s’effectue au bénéfice de l’industrie d’armement américaine.
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(Chronique parue dans Le Point du 5 septembre 2025.)
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