À l’inverse d’Henry Kissinger, Donald Trump divise l’Amérique et l’oppose à ses alliés, en même temps qu’il soude les empires autoritaires et rassemble le Sud autour de la Chine.
Henry Kissinger, le plus brillant diplomate du XXe siècle, réalisa un coup de maître avec son voyage secret à Pékin de 1971 qui ouvrit la voie à la visite historique de Richard Nixon en Chine en 1972.
En contrepartie de la réintégration de la Chine communiste dans le concert des nations, symbolisée par l’attribution du poste de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU à la place de Taïwan, les États-Unis réussirent à diviser le bloc communiste, à isoler l’Union soviétique et à amorcer l’accès de leurs entreprises à un marché de 700 millions de Chinois.
Lors de la campagne présidentielle, Donald Trump s’était fait fort de rééditer cette prouesse diplomatique en détachant cette fois la Russie de la Chine grâce à la négociation d’une paix en Ukraine aux conditions de Moscou, à la suppression des sanctions internationales et à la réouverture de l’économie russe aux investissements américains.
Après le fiasco du sommet d’Anchorage, qui a réintégré Vladimir Poutine sur la scène internationale et validé son projet de capitulation inconditionnelle de l’Ukraine sans aucune concession de sa part, les sommets de Tianjin et de Pékin ont acté la faillite de la politique étrangère erratique de Donald Trump.
Contrastant avec le chaos qui règne à Washington et qui ravage les relations entre les États-Unis et leurs alliés en raison des mesures protectionnistes et de la volonté de conditionner les garanties de sécurité aux avantages commerciaux, financiers, réglementaires et fiscaux pour les entreprises américaines, la Chine vient d’effectuer une impressionnante démonstration de force.
La Chine s’affirme comme le nouveau centre d’un monde post-occidental
Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï a réuni à Tianjin du 31 août au 1er septembre 26 pays représentant plus de la moitié de la population mondiale et du tiers des échanges planétaires.
Il a fourni l’occasion de renforcer la coopération économique avec la Russie avec l’annonce de la construction du gazoduc Force de Sibérie 2, d’une capacité de 50 milliards de mètres cubes par an, qui compensera la perte du marché européen et organise le contournement des sanctions internationales.
Deux jours plus tard, un impressionnant défilé de 45 formations militaires a célébré devant 25 chefs d’État et de gouvernement le 80e anniversaire de la capitulation du Japon.
L’accent a été placé sur la dissuasion nucléaire, dont l’arsenal sera porté à 1000 têtes en 2030, avec la présentation de la triade atomique et de trois nouveaux missiles intercontinentaux.
La démonstration est ainsi faite que la Chine dispose d’une capacité de seconde frappe en toutes circonstances et des moyens d’une escalade en cas de conflit conventionnel.
Par ailleurs, la stratégie de déni d’accès est confortée par les systèmes antimissiles et antiaériens, les missiles hypervéloces, les drones aériens furtifs et sous-marins, les lasers antidrones ou les armes antisatellites.
La mise à l’honneur de Vladimir Poutine et de Kim Jong-un aux côtés de Xi Jinping a affiché l’alliance avec la Russie ainsi que la désignation des États-Unis comme ennemi commun.
La Chine s’affirme ainsi comme le nouveau centre d’un monde post-occidental.
Elle se présente comme un vecteur de paix et de stabilité, revendiquant un multilatéralisme gouverné par le Sud. Elle s’associe à la révision de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, faisant de la Chine et de ses 20 millions de morts ainsi que de la Russie les acteurs décisifs du combat contre le fascisme, le nazisme et le militarisme japonais.
Avec pour but de fonder leur légitimité à structurer l’ordre mondial du XXIe siècle ainsi qu’à recourir à la force pour annexer Taïwan comme l’Ukraine.
En moins d’un an, Donald Trump a donc réussi à rétablir le leadership de Xi Jinping, miné par la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid, la déflation et le mécontentement croissant devant le tournant néomaoïste, à renforcer « l’amitié sans limite » entre la Chine et la Russie, à fédérer le Sud autour de Pékin contre Washington.
En appliquant à l’Inde et au Brésil des droits de douane punitifs de 50 %, il a jeté Modi et Lula dans les bras de Xi. Il en va de même pour l’Afrique du Sud, ulcérée par les accusations de racisme systémique contre les Blancs.
Et pour faire bonne mesure, la suppression de l’USAID alimente la détestation de l’Amérique dans l’ensemble des pays du Sud, tout particulièrement en Afrique, en raison de la catastrophe humanitaire et sanitaire qu’elle provoque, avec la mort estimée de 14 millions de personnes dont 4,5 millions d’enfants d’ici à 2030 – soit l’équivalent d’une pandémie.
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(Chronique parue dans Le Figaro du 7 septembre 2025)