Dans la continuité d’une diplomatie erratique, la démarche engagée par Emmanuel Macron pour la reconnaissance d’un État palestinien se révèle aussi inutile que dangereuse.
À New York, le 22 septembre, début de Rosh ha-Shana, le Nouvel An du calendrier hébraïque, Emmanuel Macron, lors d’une conférence organisée par la France et l’Arabie saoudite en marge de l’assemblée générale des Nations unies, a décidé de reconnaître de manière inconditionnelle l’État de Palestine.
Le partage du territoire s’étendant entre le Jourdain et la Méditerranée entre Israël et un État palestinien est conforme à la résolution 181 de l’Assemblée générale de l’ONU du 29 novembre 1947 qui créa l’État juif mais fut alors récusée par les pays arabes.
Il s’inscrit dans la continuité du processus d’Oslo de 1993 qui, sous l’autorité de Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, conduisit à la reconnaissance mutuelle d’Israël et de l’Autorité palestinienne avant d’être ruiné par l’assassinat de Rabin en 1995 puis le lancement de la seconde Intifada.
La solution à deux États a toujours été soutenue par la France comme la seule issue possible pour garantir la sécurité d’Israël, le respect des droits des Palestiniens et une paix durable au Moyen-Orient. Avant notre pays, 148 États ont déjà reconnu l’État palestinien.
Dans son principe, l’initiative d’Emmanuel Macron paraît donc logique ; mais dans son exécution, elle est funeste. La diplomatie, comme la stratégie, est en effet un art d’exécution. Elle n’a de sens qu’en fonction de ses effets, qui dépendent eux-mêmes du choix du « moment décisif », selon la formule du cardinal de Retz.
Dans la continuité d’une diplomatie erratique, guidée par sa mise en scène narcissique et par la confusion avec les enjeux de politique intérieure, la démarche engagée par Emmanuel Macron se révèle aussi inutile que dangereuse.
Pour pouvoir faire l’objet d’une reconnaissance, un État doit disposer d’un peuple, d’un territoire et d’un gouvernement effectif. La Palestine ne remplit aucun de ces critères.
La population reste inconnue en raison du flou entretenu autour du statut des réfugiés ; les frontières demeurent introuvables ; l’Autorité palestinienne délégitimée, impuissante et corrompue, tire 70 % de ses ressources de financements internationaux à l’origine parfois plus que douteuse.
Des conditions strictes pour faire avancer la paix
Pour être efficace, la reconnaissance de l’État palestinien devrait être accompagnée de conditions strictes permettant de faire avancer la paix : acceptation claire de l’existence et de la sécurité d’Israël ; désarmement du futur État ; exclusion du Hamas ; réforme profonde de l’Autorité palestinienne.
C’était encore la position défendue par le président de la République avant l’été. Ce n’est plus le cas. Alors même que Mahmoud Abbas n’a ni la volonté ni les moyens de mettre en œuvre ses promesses d’organiser des élections, d’assurer la transparence de la gouvernance de l’Autorité, de désarmer le Hamas et de lui faire quitter Gaza.
Au lieu d’un geste symbolique sans portée opérationnelle, la diplomatie française aurait donc dû donner la priorité à la négociation d’un cessez-le-feu à Gaza, à la libération des otages, au traitement du désastre humanitaire et au rétablissement de conditions de vie décentes dans l’enclave hors du contrôle du Hamas et d’Israël.
Et pour cela travailler à aligner les États-Unis, l’Europe et les pays du Golfe.
La parade diplomatique d’Emmanuel Macron a pour seul résultat d’encourager les extrémistes et la violence.
Pour relever des mots plutôt que des actes, elle constitue une formidable récompense pour le Hamas qui, défait militairement, se voit offrir une victoire politique et diplomatique lui permettant de justifier tant les massacres du 7 octobre que la prise en otage de la population de Gaza.
Elle encourage Benyamin Netanyahou et les extrémistes qui le soutiennent, forts du plein soutien de Donald Trump et de son Administration, à accélérer leur dérive mortifère visant à éradiquer toute possibilité d’État palestinien à travers la destruction totale de Gaza et la déportation de sa population d’un côté, l’annexion de la Cisjordanie de l’autre.
Elle donne raison aux positions défendues par LFI et à sa stratégie insurrectionnelle, substituant la mémoire de Gaza à celle de la Shoah, légitimant la flambée d’antisémitisme, validant l’amalgame opéré entre le gouvernement de Benyamin Netanyahou, Israël et les Juifs de France, emportés dans la même condamnation, livrés à la haine et désignés comme cibles à l’opinion.
Les échecs en chaîne de la diplomatie française
Les agressions antisémites se multiplient (hausse de 340 % dans la région parisienne où elles représentent 88 % des actes antireligieux selon la préfecture de police de Paris), gagnent l’ensemble du territoire et de la société, progressent en intensité, dans l’indifférence et l’inaction des pouvoirs publics.
Les Juifs de France se trouvent enfermés dans une situation tragique, pris en tenailles entre leur abandon par l’État, la libération de l’antisémitisme à gauche et leur protection ambiguë par l’extrême droite, la transformation d’Israël en démocratie illibérale et la poursuite d’une guerre sans issue par Benyamin Netanyahou – l’homme qui incita le Qatar à verser 1,5 milliard de dollars au Hamas et qui, en 2023, dégarnit la frontière de Gaza pour mettre Tsahal au service des colons de Cisjordanie.
Lire la suite de l’éditorial sur lefigaro.fr
(Chronique parue dans Le Figaro du 22 septembre 2025)