La pauvreté et l’exclusion poussent la Gen Z à la révolte dans beaucoup de pays. Les jeunes Occidentaux semblent, eux, apathiques face aux difficultés économiques et sociales.

Alors même que le système géopolitique éclate en blocs, la planète est parcourue par une forme de « printemps de la jeunesse », placé sous le signe de la révolte de la génération Z, née au tournant du siècle, entre 1990 et 2010.
Le mouvement est né en 2022 au Sri Lanka, avec la mobilisation Aragalaya [« lutte » en cinghalais], provoquée par les séquelles de la récession qui a suivi le krach de 2008 et par la pandémie de Covid.
Il a abouti à la chute et à la fuite du clan Rajapaksa, qui monopolisait le pouvoir.
Il s’est poursuivi au Bangladesh en 2024, contraignant à l’exil la « bégum de fer », Sheikh Hasina, qui échappa de justesse au lynchage. Puis il a gagné cette année le Népal, où des milliers de jeunes ont déferlé sur Katmandou après la décision du gouvernement de fermer 26 plateformes de réseaux sociaux.
La violence de la répression, qui fit plus de 70 morts et 1 000 blessés, a radicalisé la protestation jusqu’à provoquer la démission du gouvernement communiste dirigé par K. P. Sharma Oli. La jeunesse s’est également enfiévrée en Birmanie en 2021, au Pakistan en 2023, en Indonésie, aux Philippines et au Timor oriental en 2025, déstabilisant les pouvoirs en place sans parvenir à les renverser.
Le rôle central joué par les réseaux sociaux
En Afrique, le Maroc est confronté à de violentes émeutes portées par des groupes de jeunes rassemblés sous la bannière Gen Z 212. La mobilisation autour du mot d’ordre « les stades sont ici mais où sont les hôpitaux ? » a été déclenchée par le décès de 8 femmes enceintes à l’hôpital d’Agadir, alors que le royaume chérifien prépare l’organisation de la Coupe du monde de football de 2030.
Sous la pression, le roi Mohammed VI est intervenu le 10 octobre pour exiger du gouvernement qu’il accélère les réformes sociales, notamment dans l’éducation et la santé.
À Madagascar également, la jeunesse s’est embrasée. Après trois semaines de violences, qui firent plusieurs dizaines de morts, puis le ralliement de l’armée, elle a forcé le président Andry Rajoelina à quitter le pays pour Dubai, ouvrant la voie à la prise du pouvoir par le colonel Michaël Randrianirina, qui a suspendu la Constitution.
L’exfiltration du président déchu avec l’aide de la France puis les déclarations d’Emmanuel Macron depuis l’Égypte appelant au respect de la continuité institutionnelle ont déchaîné le ressentiment contre notre pays et réactivé les passions antifrançaises sur tout le continent.
L’Amérique latine n’est pas épargnée, qui a vu, en septembre dernier, la génération Z marcher sur Lima, au Pérou.
Elles trouvent leur unité dans la culture numérique et dans le rôle central joué par les réseaux sociaux, tant dans les origines que dans l’organisation des soulèvements. Si Facebook et TikTok sont largement utilisés, la plateforme préférée est Discord, messagerie destinée à l’origine aux adeptes des jeux vidéo, qui connut une première utilisation politique pour coordonner la prise d’assaut du Capitole en janvier 2021.
Les causes de ces émeutes sont identiques. Elles s’enracinent dans les difficultés économiques et sociales des jeunes qui cumulent la pauvreté, la précarité des emplois, le chômage de masse (36 % au Maroc, 20 % au Népal), la fermeture de la société et du marché du travail.
Elles comportent aussi une dimension éminemment politique, au confluent de la dénonciation des inégalités et des oligarques qui accaparent les richesses, de la corruption des élites et des gouvernements, de l’autoritarisme et de l’arbitraire des régimes en place.
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(Chronique parue dans Le Point du 27 octobre 2025.)
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