Dans la grande confrontation entre les États-Unis et la Chine, le modèle de guerre économique de Pékin a pris un net avantage sur la guerre commerciale chaotique engagée par Washington.
L’Europe doit en tirer toutes les conséquences.

Nicolas Baverez. Francois Bouchon
Le 4e plénum du XXe comité central du Parti communiste chinois, qui s’est tenu du 20 au 23 octobre 2025 à Pékin, a rassemblé 168 membres et 147 suppléants, rejoints par les membres de la commission de contrôle et de discipline, des députés et des experts.
Il marque une évolution décisive dans la politique économique et de la stratégie de Pékin, actée par le 15e plan quinquennal pour les années 2026 à 2030.
Celui-ci, placé sous le signe du passage à l’économie de guerre et de l’endurance stratégique, assume pleinement la confrontation avec les États-Unis, se fixe pour objectif de l’emporter et se dote des moyens pour y parvenir.
La priorité absolue est donnée à la sécurité nationale, qui structure désormais le développement et la planification, quitte à sacrifier la croissance. D’où une économie de guerre fondée sur un modèle dualiste original.
- À l’intérieur, l’heure n’est nullement au rééquilibrage vers la demande mais à la résilience et à la réduction des dépendances pour pouvoir faire face aux pressions ou sanctions internationales.
- À l’extérieur, la ligne repose sur l’expansion de la machine à exporter, alimentée par les formidables surcapacités industrielles dopées par les subventions publiques et soutenue par les infrastructures des nouvelles routes de la soie.
Cette économie de guerre est déclinée en quatre axes opérationnels.
- Le contrôle centralisé des ressources – travail, capital, matières premières, énergie, technologie – et la sécurisation des chaînes d’approvisionnement.
- La planification de mesures de rétorsion et de dispositifs anti-coercition autour du quasi-monopole des terres rares (90 % de la capacité de raffinage mondiale), des batteries, des infrastructures de la transition écologique, des équipements pour les puces.
- L’accélération de la dédollarisation et de l’internationalisation du renminbi, couplée à la réduction aussi forte que discrète du portefeuille de titres de la dette américaine.
- Enfin, l’effort massif en faveur de l’innovation, particulièrement de l’IA, afin de contrer l’embargo américain.
Xi Jinping réhabilite ainsi le modèle économique de la guerre froide piloté par l’État et le système maoïste de mobilisation autour du parti, mais en se fondant sur une puissance économique sans commune mesure avec l’Union soviétique et en jouant sur l’interdépendance avec les États-Unis adossée à plus de 600 milliards de dollars d’échanges. La préparation de la guerre est désormais totalement intégrée à la stratégie de développement économique.
La Chine de Xi assume pleinement les coûts de sa conversion en économie de guerre et de ses ambitions impériales, qu’il s’agisse de la chute de la démographie aggravée par la stagnation du bien-être, du blocage de la croissance (moins de 2 %) avec l’enlisement dans la déflation, du surendettement généralisé, de la restriction des marges de liberté avec la mise en place d’un Big Brother numérique.
Elle se trouve encouragée par la victoire sans appel qu’elle vient de remporter dans la guerre commerciale lancée par Donald Trump.
Contrairement à l’Europe, la Chine a compris qu’il fallait accepter le combat et se mettre en position de le gagner. Et c’est ce qu’elle a fait à Pusan, le 30 octobre.
Les rodomontades de Donald Trump se sont fracassées sur les positions dominantes construites dans les secteurs clés de l’automobile, du solaire et de l’éolien, de la pharmacie, des machines-outils ou de l’électronique, comme sur les contre-mesures mises en place par Pékin.
Elles ont pris la forme d’un embargo sur les terres rares, qui mettait à l’arrêt l’industrie américaine, renforcé par la suspension totale des commandes de soja qui portaient sur 21 % de la production américaine et qui ont été transférées au Brésil et à l’Argentine.
Le président américain n’a eu d’autre choix que de diminuer les droits de douane de 157 % à 47 %, en échange d’une reprise pour un an seulement de l’approvisionnement en terres rares et d’une promesse très aléatoire de reprise des achats de soja.
Sur le plan intérieur, les dommages de la guerre commerciale de Donald Trump sont au moins équivalents à ceux de l’économie de guerre chinoise.
La bulle spéculative sur les marchés d’action ne parvient pas à masquer la division par deux de la croissance, l’arrêt des créations d’emplois et la montée du chômage (4,3 %), la hausse des prix au-delà de 3 %, l’emballement du déficit (2 200 milliards de dollars) et de la dette publique (125 % du PIB).
Ce trou d’air de l’économie américaine est la première cause du sévère revers électoral que vient de subir le Parti républicain et qui excède la seule ville de New York.
Surtout, l’expansion commerciale et financière de la Chine dans le « Sud global » conforte sa stratégie d’encerclement de l’Occident, tandis que la guerre commerciale, monétaire, financière et normative déclenchée par Donald Trump isole les États-Unis et sape leurs alliances stratégiques.
(…)
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(Chronique parue dans Le Figaro du 9 novembre 2025)
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