En imposant une capitulation inconditionnelle à Kiev, Donald Trump, aligné sur Vladimir Poutine, cible aussi le Vieux Continent, qu’il isole totalement.

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et Donald Trump, en Écosse, le 27 juillet 2025.
Le pseudo-plan de paix pour l’Ukraine en 28 points de l’administration Trump marque un tournant historique.
- Non pas dans la guerre d’Ukraine : profitant de l’affaiblissement de Volodymyr Zelensky sur le plan militaire avec la poussée russe sur Pokrovsk comme sur le plan politique avec les scandales de corruption qui éclaboussent ses proches, le plan américain se limite à une traduction des revendications de la Russie, inacceptables pour Kiev, dont la souveraineté, l’histoire et l’identité se trouveraient annihilées.
- Non pas dans l’alignement de l’administration Trump sur Moscou, dont témoigne la conversation entre Steve Witkoff et Iouri Ouchakov qui montre que l’émissaire personnel de Donald Trump n’est que le télégraphiste zélé du conseiller diplomatique du Kremlin.
Mais bien en actant le divorce de l’Amérique d’avec l’Europe et l’éclatement de l’Occident. Ce que Staline avait rêvé, Trump l’a fait, sans même que Poutine l’y contraigne.
Le projet américain initial repose sur une capitulation inconditionnelle de l’Ukraine, avec des conditions pires encore que celles imposées par Hitler à la France à Rethondes en 1940 alors même que Kiev n’a pas perdu la guerre :
- Abandon de 20 % du territoire ukrainien et des forteresses commandant l’accès à Kiev et à Odessa ; limitation de l’armée ukrainienne à 600 000 hommes ;
- Engagement de ne pas rejoindre l’Otan et de non-stationnement de troupes étrangères en Ukraine ;
- Renonciation à se doter de l’arme nucléaire ;
- Tenue d’élections dans les cent jours ;
- Primat des droits de l’Église orthodoxe russe ;
- Adoption du russe comme langue officielle ;
- Abandon des poursuites visant les crimes de guerre ;
- Levée de toutes les sanctions contre la Russie et retour dans le G8.
- Ultime humiliation, Donald Trump avait lancé un ultimatum à Volodymyr Zelensky, sommé de donner son accord avant la fête de Thanksgiving.
Un nouveau Munich
Les conséquences ne sont pas moindres pour l’Europe, laissée seule face à la Russie, au moment où Vladimir Poutine poursuit la reconstitution de l’Empire soviétique en réhabilitant la doctrine Brejnev de la souveraineté limitée et en installant son pays dans un état de guerre permanent, consacrant 7 % du PIB et 40 % du budget de l’État à la défense.
Les États-Unis lui donnent carte blanche pour de nouvelles agressions.
Non content de ce nouveau Munich qui cumule le déshonneur et la promesse de guerres futures, Donald Trump prévoit de rançonner l’Europe en confisquant les avoirs russes gelés pour créer un fonds américano-ukrainien de 100 milliards de dollars afin de financer la reconstruction de l’Ukraine par les entreprises américaines ainsi qu’un fonds d’investissement américano-russe de 200 milliards, le tout abondé par 100 milliards supplémentaires des Européens pour la reconstruction de l’Ukraine.
Ce plan, qui consiste à récompenser l’agresseur et à punir l’agressé, est aussi bâclé et extravagant que déséquilibré. Il a été profondément modifié dans les négociations ouvertes avec les Ukrainiens et les Européens, qui ont tenté de le redresser.
Il ne fait aucun doute que la Russie refusera cette nouvelle version et poursuivra la guerre, puisque son seul objectif reste la capitulation de l’Ukraine.
Et ce même si ce conflit est pour elle un désastre stratégique qui mine à terme sa puissance, en raison de la perte de 5 000 hommes par semaine pour un pays démographiquement exsangue ainsi que des coûts démesurés pour l’économie et la société.
C’est cependant pour l’Europe que le choc et le changement sont les plus dévastateurs. L’Amérique de Donald Trump est devenue une démocratie illibérale et un État voyou aligné sur Moscou.
Ce n’est pas la Chine mais bien l’Europe qui représente la cible première de la révolution géopolitique et de la guerre économique qu’elle conduit.
Une Europe dont elle entend divorcer en lui faisant payer tout le prix de la séparation et même bien au-delà, en profitant au maximum de sa pusillanimité, de sa faiblesse et de ses divisions.
[…]
(Chronique parue dans Le Point du 5 décembre 2025.)
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