La 24,4 % des emplois occupés par des jeunes sont aidés par l’État, mais il ne les protège pas du chômage, pas plus qu’il ne facilite leur insertion.
Le chômage en France ne progresse plus, il s’envole. Notre pays compte de nouveau plus de 3 millions de chômeurs, tandis que 4,5 millions de personnes recherchent un emploi. Et ce avant même la déferlante des plans sociaux qui deviendront effectifs en 2013. Plus inquiétant encore, 40 % des chômeurs sont frappés d’un inemploi de longue durée, ce qui témoigne de sa nature structurelle. Les discriminations se creusent au détriment des jeunes, notamment lorsqu’ils sont issus des ghettos urbains, avec des taux de chômage atteignant respectivement 22,5 % et 45 % dans les quartiers difficiles. La France ne connaît pas encore la situation dramatique de l’Espagne, où le taux de chômage culmine à 25 % de la population active et à 50 % des jeunes, mais elle dérive très loin du plein-emploi de l’Allemagne, où le chômage est limité à 6 % de la population active et à 7,9 % des jeunes.
Le chômage français, exceptionnel par son caractère permanent depuis les années 70, est l’enfant de l’effondrement de l’appareil de production et des déficits publics perpétuels. L’explosion du chômage découle de la dépression larvée dans laquelle se trouvent enfermés les pays développés depuis 2007 et plus encore de la rechute de la zone euro dans la récession en 2012. Mais la France demeure la seule grande économie à connaître un taux de chômage moyen de 10 % depuis les années 80 et à n’avoir jamais recouvré le plein-emploi depuis les chocs pétroliers des années 70. Quatre raisons l’expliquent. L’euthanasie de l’activité et de l’emploi privés avec la dégradation des marges des entreprises, sous l’effet de la hausse constante des impôts et des charges. La hausse du coût du travail, aggravée par la loi sur les 35 heures, qui fait de la France le grand pays européen où le travail est le plus cher : 34 euros par heure, contre 30 en Allemagne, 26 en Italie, 20 au Royaume-Uni et en Espagne. La complexité et le durcissement du droit du travail, qui aboutissent à une segmentation où la surprotection d’un petit noyau dur se traduit par l’exclusion et la précarisation du plus grand nombre. Enfin, la désintégration du système éducatif, qui rejette chaque année 161 000 jeunes sans aucune formation.
Face à l’accélération de la crise, la tranquille impuissance du gouvernement condamne le quinquennat de François Hollande à la chronique d’une faillite annoncée. Le blocage de la croissance impose un effort de 40 milliards d’euros pour respecter l’objectif d’un déficit public de 3 % du PIB en 2013. Le choix quasi exclusif du recours à l’impôt ciblé sur les entreprises et les créateurs de richesses va enfoncer le pays dans la dépression. Comme on le voit déjà avec la TVA et l’impôt sur les sociétés, la base fiscale diminuera plus vite que les taux ne monteront, entraînant une chute des recettes. La mise en place d’une fiscalité confiscatoire ne permettra même pas le désendettement, compte tenu de la multiplication des nouvelles dépenses, du retour de facto à la retraite à 60 ans, de la hausse du smic et des transferts sociaux, qui dépassent 33 % du PIB, en passant par les subventions à la consommation de carburants – aberrante du double point de vue de l’économie et de l’écologie. La hausse des prélèvements sur les entreprises et sur le travail accélère la dégradation de la compétitivité et de l’attractivité du site France. Enfin, le retour en force des emplois aidés – sous la forme de 150 000 emplois d’avenir dans le secteur public et associatif, pour un coût de 1,5 milliard pour l’Etat, puis de 500 000 contrats de génération bénéficiant d’exonérations de charges sociales, pour un coût de 3 milliards d’euros – réhabilite le traitement social du chômage, qui a systématiquement échoué depuis trente ans. Déjà 24,4 % des emplois occupés par des jeunes sont aidés par l’Etat, mais il ne les protège pas du chômage, pas plus qu’il ne facilite leur insertion sur le marché du travail. Le traitement social est le meilleur allié du chômage d’avenir.
La réduction du chômage passe par un choc de compétitivité, par la libéralisation du marché du travail et par la formation. Il reste parfaitement possible de créer des emplois dans les pays développés. Ce ne sont pas les emplois subventionnés par l’État, mais une croissance tirée par la production et l’investissement privé qui permettra de réduire le chômage permanent, ce qui est la clé des futurs gains de pouvoir d’achat. La croissance passe par un choc de compétitivité pour restaurer les marges des entreprises, réduites à 28 %, contre 40 % en Allemagne, et pour baisser le coût du travail afin d’employer quelque 2,3 millions de non-qualifiés. Elle implique une libéralisation du travail qui lie flexibilité de l’emploi et sécurité des parcours professionnels, et qui réduise les inégalités de statut. Elle impose un vaste investissement et une réforme de l’éducation pour combler le déficit de 2,2 millions d’emplois non pourvus, faute de qualifications adaptées. L’antisarkozysme peut faire un grand chelem électoral, mais pas un projet politique ni une stratégie économique. François Hollande n’a toujours pas dit qui il est ni ce qu’il veut. Il doit prendre et assumer le tournant de la compétitivité, qui constitue le levier de la croissance, donc le seul antidote efficace au chômage permanent.
(Chronique parue dans Le Point du 06 septembre 2012)