La France est l’homme malade de l’Europe. Le retour au plein-emploi est toutefois possible. Le temps des réformes est devant nous.
La stratégie économique de François Hollande reposait sur un double pari : le rétablissement des comptes publics par un choc fiscal de près de 50 milliards d’euros sur deux ans ; la baisse du chômage dès la fin 2013 grâce à la reprise européenne.
Ce double pari est perdu. Le déficit public, qui devait être limité à 3 % du PIB en 2013, atteindra 4,1 %, tandis que la dette annoncée comme endiguée à 90 % du PIB s’envolera à 95,4 % du PIB à fin 2014. La reprise européenne se dessine, mais la France en est coupée en raison de l’effondrement de la compétitivité, de l’investissement et des exportations. Pis, l’appareil de production national se trouve pris en tenailles entre la compétitivité qualité renforcée de l’Europe du Nord et la compétitivité prix retrouvée de l’Europe du Sud.
François Hollande joue le très faible capital de confiance qu’il conserve auprès des Français sur l’engagement solennel d’inverser la courbe du chômage avant la fin de 2013. Et ce, grâce aux emplois aidés pour les jeunes. D’où, après l’interlude des déclarations contradictoires du président, l’annonce d’une victoire assurée sur le chômage avec le recul de 20500 des chômeurs de catégorie A au mois d’octobre.
La stabilisation du marché du travail français relève de l’illusion. La baisse du chômage reste virtuelle. Elle résulte pour moitié de la manipulation statistique grâce à un nombre record de radiations. La multiplication des emplois aidés n’empêche pas la hausse de 0,8% du chômage total (catégories A, B et C), qui touche 5,2 millions de personnes, et une envolée du chômage de longue durée, qui en frappe 2,03 millions. L’économie française a détruit 110 000 emplois marchands depuis un an et la faillite de 63 000 entreprises va se traduire par la suppression de plus de 200 000 postes supplémentaires.
L’échec de François Hollande s’inscrit dans le droit fil de quatre décennies de désastres de la politique de l’emploi. Cette triste impuissance s’explique très simplement : depuis les années 1970, la politique économique de la France répond à une crise de l’offre avec des mesures de soutien de la demande.
La multiplication des emplois publics et subventionnés ainsi que la hausse des transferts sociaux (33 % du PIB) ont soutenu la consommation au prix de l’envolée de la dépense et de la dette publique (57 et 93 % du PIB). L’offre française a ainsi été laminée par la hausse des coûts du travail (34 euros par heure, contre 30 en Allemagne, 28 en Italie, 20 au Royaume-Uni) et des prélèvements sur les entreprises (26 % de la valeur ajoutée, contre 16% en Allemagne, 18 % au Royaume-Uni, 23 % en Italie).
Le retour au plein-emploi nécessite de casser la décroissance à crédit pour retrouver une croissance tirée par l’investissement, l’innovation et l’exportation. Quatre leviers sont décisifs :
- La population employée. La France dispose d’une démographie dynamique mais le taux d’emploi est réduit à 64%. Elle compte 25 millions de postes de travail pour 65,7 millions d’habitants, contre 42 millions de postes de travail pour 81 millions d’Allemands. Il faut donc allonger la vie active et lutter contre l’exclusion, qui touche un actif sur dix.
- La croissance. L’activité doit progresser de 1,5 % pour créer des emplois. D’où un double effort. Au plan national, un choc de compétitivité grâce à la sortie des 35 heures et à la baisse des charges sur les entreprises et des prélèvements sur le travail. Au plan européen, un pacte pour la croissance et l’emploi avec l’Allemagne fondé sur une politique monétaire de soutien à l’activité via la baisse des taux d’intérêt et de la parité de l’euro en contrepartie des réformes structurelles.
- Le marché du travail. La segmentation et l’inégalité règnent avec la surprotection du secteur public élargi (9,2 millions de personnes) et d’un noyau dur de salariés au prix de la montée de l’exclusion et de la précarité (3,7 millions de CDD). La solution passe par la flexisécurité, par la dégressivité des allocations chômage, par la modulation du smic, afin de libérer les 2,3 millions d’emplois annihilés par le coût et la surréglementation du travail.
- L’éducation et la formation. L’effondrement du système éducatif français conduit 1,9 million de jeunes à se trouver, sans aucune formation, occupation ou activité. La modernisation de l’éducation est vitale pour répondre aux 2,2 millions d’emplois non pourvus faute de qualifications adaptées.
François Hollande a ravalé la France au rang d’homme malade de l’Europe. Le chômage de masse est le sinistre tribut à payer pour le pire échec de politique économique depuis 1981. Le président doit faire son aggiornamento comme François Mitterrand en 1983 : la production plutôt que la dépense publique ; la compétitivité plutôt que les impôts ; la préférence pour l’emploi plutôt que le déclassement par le chômage.
(Chronique parue dans Le Figaro du 02 décembre 2013)