Le choc fiscal français n’aura servi à rien, et l’économie s’enfonce un peu plus, entraînant avec elle le reste de l’Europe.
Depuis 2011, l’économie française a subi un choc fiscal sans précédent avec 69 milliards d’euros de prélèvements nouveaux – soit plus de 1 000 euros par Français. Or, cet effort gigantesque aboutit à un double désastre. Désastre financier qui voit le déficit augmenter en 2014 malgré 12 milliards d’impôts supplémentaires pour les ménages. Désastre économique avec une croissance réduite qui amorce une longue stagnation, sur fond de baisse simultanée de l’activité marchande, du niveau de vie, de l’emploi et de l’investissement.
Les 66 millions de Français ont été pigeonnés pour rien. Alors que plus de 1,2 million de ménages en sont réduits à négocier non plus seulement des délais mais des remises d’impôts, le déficit public pour 2014 qui était prévu à 3,6 % du PIB s’élèvera à 4,4 % du PIB contre 4,1 % l’an dernier. À défaut d’inverser la courbe du chômage à la baisse, François Hollande a réussi à inverser la courbe des déficits à la hausse. Avec pour conséquence l’envolée de la dette qui dépasse 2 000 milliards d’euros et franchira le seuil de 100 % du PIB fin 2015.
La première explication de cette faillite est budgétaire. Si les entreprises et les ménages ont subi un matraquage fiscal, il n’y a aucune austérité mais au contraire une poursuite de la dérive des dépenses publiques. Pendant les polémiques sur la baisse des dépenses, leur progression continue à 1 185 milliards d’euros, soit 57,1 % du PIB. Et ce alors que le service de la dette est au plus bas. Sous la valse-hésitation des 21 milliards d’euros de fausses économies, les dépenses se multiplient en même temps que leur utilité économique et sociale s’effondre : embauche de 60 000 professeurs alors que la reconstruction du système éducatif demanderait des enseignants moins nombreux mais mieux formés et payés ; retour à la retraite à 60 ans pour la moitié d’une classe d’âge quand l’espérance de vie augmente et prise en compte de la pénibilité pour plus de 3,5 milliards ; revalorisation des aides sociales – de la prime de rentrée scolaire au RSA - ; généralisation du tiers payant dans la santé…
La seconde explication est économique. L’impôt a tué non seulement l’impôt mais l’économie tout entière. Les recettes fiscales attendues ont été divisées par deux en raison de l’effondrement de la croissance et du basculement de pans entiers d’activités dans la clandestinité. Les Français ont été ruinés pour détruire leur économie et leur avenir. La croissance potentielle est inférieure à 1 %. La production industrielle a été ramenée à son niveau de 1994. Le niveau de vie a baissé de 1 % par an depuis 2012, ce qui ramène la richesse par habitant 6 % en dessous de la moyenne de pays développés. Les faillites (63 000 par an) et les chômeurs (500 000 depuis mai 2012) se multiplient, tandis que s’emballe la fuite des cerveaux, des entrepreneurs, des capitaux et des centres de décision.
La France sera en situation de défaut dès que les taux d’intérêt à long terme remonteront avec la normalisation de la politique monétaire américaine. Et elle entraînera dans sa chute l’ensemble de la zone euro, qui ne pourra pas réassurer un choc sur la dette française. D’où l’exaspération et l’inquiétude de nos partenaires européens qui n’ont plus aucune confiance dans notre pays, qui met à profit le changement de stratégie de la BCE et les réformes courageuses des autres pays pour sanctuariser un modèle économique et social insoutenable.
La France s’affirme comme une exception au sein du monde développé et de l’Europe dont elle est devenue le maillon faible. Les États-Unis ont renoué avec un rythme de croissance de 3,4 %, un taux de chômage ramené à 6,1 % et un déficit limité à 2,9 % du PIB. Le Royaume-Uni affiche une croissance de 2,8 % et un taux de chômage de 6,6 %. L’Allemagne aligne une croissance de 1,8 %, un taux de chômage de 5,1 % et un excédent budgétaire de 1,1 % du PIB. Les dépenses publiques diminuent partout sauf dans notre pays, avec des résultats positifs à l’image de l’Espagne qui retrouve le chemin de la croissance (1,5 %) en les ayant réduites de 48 à 44,8 % du PIB depuis 2012 ou de la Suède qui progresse de 3 % par an en les ayant réduites de 10 points de PIB en dix ans.
La débâcle française ne résulte nullement de la mondialisation, de l’Europe ou de l’euro mais bien de la politique économique la plus absurde conduite depuis la déflation Laval de 1935. La seule issue consiste en une thérapie choc qui transformerait le modèle économique en assumant une politique de l’offre, fondée sur la restauration des marges des entreprises, la baisse du coût du travail et du capital, la relance de l’investissement et de l’innovation. Mais la condition est à chercher dans une diminution effective de la dépense publique, en commençant par les transferts sociaux qui culminent à 630 milliards d’euros et par la fonction publique.
(Chronique parue dans Le Figaro du 15 septembre 2014)