La France est devenue son propre ennemi. Les remèdes pour son redressement sont connus.
Pendant la publication de la litanie des rapports sur la réforme de la France, la crise nationale s’accélère. Le problème français n’est plus ni intellectuel ni économique mais purement politique : plus l’on écrit et l’on disserte sur les réformes, moins on les réalise.
L’ampleur du déclin de la France est démontrée et ses causes fondamentales identifiées : perte de compétitivité des entreprises, chômage structurel provoqué par le coût et la rigidité du travail, dérive des finances publiques en raison de la course folle d’un État-providence qui redistribue 15 % des transferts sociaux mondiaux pour une population limitée à 1 % de celle de la planète et une production réduite à 3,7 % du total mondial.
Les remèdes sont parfaitement connus et font l’objet d’un large consensus au sein du FMI, de l’OCDE, de la Commission européenne et de nos partenaires, de la Cour des comptes et de la Banque de France. Or plus les réformes sont annoncées, moins elles se font, ce qui alimente l’anxiété des citoyens sans améliorer la situation du pays. Ainsi le rapport de Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein n’apporte rien de neuf. La France doit limiter les hausses de salaires, libéraliser son marché du travail et réformer l’assurance-chômage, ramener les dépenses publiques de 56,4 % à 50 % du PIB. Il est souhaitable que son ajustement soit facilité et accompagné par une relance de l’investissement en Allemagne.
Pour autant, il n’existe aucune symétrie mais bien une divergence explosive entre une Allemagne qui est sortie de crise, connaît le plein-emploi et se désendette et une France qui cumule la croissance zéro, 6 millions de chômeurs, un déficit commercial de 2,5 % du PIB, une dette qui atteindra 100 % du PIB à fin 2015 contre 75 % en Allemagne, la paupérisation des Français dont la richesse par habitant est inférieure de 12,5 % à celle des Allemands, la décohésion sociale et l’extension des violences qui minent la nation (augmentation en 2013 de 6 % des atteintes aux personnes et de plus de 50 % de celles ayant entraîné la mort). Par ailleurs, l’Allemagne – pas plus que l’Europe – ne peut restaurer la croissance et le plein-emploi dans notre pays ou réformer la France. La France sera modernisée par les Français en s’inventant un modèle original dans le XXIe siècle ou ne le sera pas.
Pour l’heure, la France multiplie les artifices pour éluder tout effort en profitant du nouveau sursis que lui offrent des taux d’intérêt historiquement bas, la baisse de l’euro et la chute de plus de 30 % des prix du pétrole.
D’un côté, les pseudo-réformes chassent les vraies : on continue à attendre, comme Godot chez Beckett, la sortie des 35 heures, la libéralisation du travail de nuit et du dimanche, l’assurance-chômage dégressive, le retour de l’âge de la retraite à 65 ans, la diminution des réglementations et des prélèvements, la simplification des niveaux d’administration et la baisse des effectifs de la fonction publique. De l’autre, sous les paroles apaisantes, les actes destructeurs pour la croissance et l’emploi s’emballent : blocage de tous les secteurs d’activité à l’image du logement dévasté par la loi Duflot (baisse de 420 000 à 269 000 des mises en construction depuis 2012) ; vote de 4,5 milliards d’impôts supplémentaires pour les entreprises en 2015 après plus de 22 milliards depuis 2012 (29 milliards moins 7 milliards de CICE) ; augmentation continue des effectifs de la fonction publique ; retour à la retraite à 60 ans et compte pénibilité pour 3,5 milliards d’euros ; hausse des minima sociaux ; généralisation du tiers payant dans la santé pour 1,5 à 2 milliards…
En bref, loin d’engager son redressement, la France de François Hollande creuse méthodiquement sa tombe. Elle est devenue un risque majeur pour elle-même, pour ses partenaires de la zone euro dont elle menace de réamorcer la crise, pour la sortie de crise de l’économie mondiale. Elle a perdu toute crédibilité internationale, réduite, comme l’a expliqué le commissaire Günther H. Oettinger, au statut de « pays déficitaire multirécidiviste ». Elle est en passe de détruire sa capacité stratégique en multipliant des engagements extérieurs qu’elle ne peut soutenir ni au plan diplomatique, ni au plan militaire, ni au plan financier.
Nous disposons de cinq ans pour réformer la France de fond en comble, comme en 1945, ou pour la voir s’effondrer comme en 1940. Nous disposons de cinq ans pour nous moderniser de manière souveraine ou pour le faire sous la contrainte des marchés, de la Commission européenne et de la violence intérieure. Cessons donc de creuser notre trou. Comblons-le par les réformes. Mobilisons les énergies autour d’un agenda 2020 au lieu de rêver vainement d’un éternel retour à la France des années 1970.
(Chronique parue dans Le Point du 1er décembre 2014)