François Hollande tente de ressusciter son projet de réforme fiscale en annonçant l’adoption de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu en 2018.
En France, on ne change pas une politique qui échoue. Non content d’avoir, de l’aveu même de Manuel Valls, asphyxié l’économie et provoqué une jacquerie contre l’impôt, François Hollande tente de ressusciter son projet de réforme fiscale en annonçant l’adoption irréversible de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu en 2018.
Au premier abord, le projet ne paraît pas déraisonnable. Le système est en vigueur dans la plupart des pays développés, à l’exception de la France, de la Suisse et de Singapour. Il répond à deux grands objectifs : fiabiliser et accélérer le recouvrement de l’impôt du côté de l’administration fiscale ; assurer une meilleure prévisibilité du prélèvement pour le contribuable, en évitant les écarts entre les revenus et les prélèvements en fonction de l’évolution de sa situation.
L’efficacité de la retenue à la source dépend cependant de la part de l’impôt sur le revenu dans les recettes fiscales, de la proportion des ménages qui l’acquittent et de sa simplicité. Et c’est là que le bât blesse. Car la France ne remplit aucune de ces conditions. L’impôt sur le revenu ne représente que 17 % des recettes, contre 30 % en moyenne dans les pays développés. Il n’est acquitté que par 47,5 % des ménages. Il est calculé sur une base familiale et non pas individuelle. Dès lors, la retenue à la source pourrait renchérir le coût de perception de l’impôt. Surtout, elle se présente comme un nouveau prétexte pour renforcer sa concentration et sa progressivité, qui constituent des armes de destruction massive de la croissance, de l’emploi et des classes moyennes.
La Cour des comptes a montré que le passage à la retenue à la source pourrait, dans le cas français, se traduire par une hausse du coût de collecte de l’impôt. D’abord, les économies potentielles sont très limitées puisque 80 % des paiements sont aujourd’hui dématérialisés. Ensuite, la retenue à la source ne supprime ni la complexité de l’impôt sur le revenu ni l’obligation d’effectuer une déclaration et de la contrôler pour procéder à son calcul définitif et aux régularisations correspondantes en fin d’année.
À défaut d’être une bonne affaire pour l’administration, la retenue à la source sera une très mauvaise affaire pour les entreprises. Elles se verront transférer la responsabilité de la liquidation et du paiement de l’impôt, ce qui ira de pair avec de multiples contrôles et de lourdes pénalités en cas de retard ou d’erreurs. Par ailleurs, les contribuables devront mettre à la disposition de leurs employeurs de nombreuses informations personnelles, mettant en péril la confidentialité de leur vie privée.
Mais le risque majeur de la retenue à la source se trouve dans une nouvelle envolée des prélèvements ciblant les classes moyennes et supérieures. Elle est en effet conçue comme le premier pas vers la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, qui implique d’une part la progressivité de la CSG et, d’autre part, l’exonération de nombreux ménages de son champ. De même, elle est indissociable du basculement à court terme de l’impôt familial vers l’impôt personnel. Cela signifie la ruine définitive des classes moyennes alors que 20 % des ménages ont supporté les trois quarts de la hausse de 20 milliards de l’impôt sur le revenu depuis 2011 et qu’ils se trouvent dans le même temps exclus des bénéfices de la protection sociale.
La démagogie imprègne déjà le calendrier de cette pseudo-réforme. D’un côté, la date choisie de 2018 transfère la responsabilité du fiasco programmé au prochain mandat présidentiel. De l’autre, dans l’espoir vain de faire oublier le choc fiscal de 70 milliards d’euros qui a bloqué l’économie sans enrayer les déficits ni la dette publics, est agité le mirage d’une « année fiscale blanche » en 2017, l’année de l’élection. Et cette promesse extravagante est biaisée puisqu’elle ne concerne que les salaires et les pensions de retraite, tandis que les revenus des non-salariés et du capital connaîtraient une double imposition. Après avoir trompé les citoyens en prétendant réenchanter le rêve français en 2012, François Hollande entend les duper en réenchantant le cauchemar français en 2017, année où il annonce tout à la fois la non-imposition des salaires et des pensions de l’exercice, la baisse de la CSG, l’augmentation des rémunérations des fonctionnaires et des dépenses militaires, enfin le tiers payant généralisé pour la santé. François Hollande n’a tiré aucune leçon du Waterloo qu’a constitué son choc fiscal. La retenue à la source fournit une nouvelle et triste illustration de l’irresponsabilité de la classe politique dans la gestion des finances publiques. La priorité pour la France n’est pas de modifier la collecte des impôts, qui est plutôt efficace, mais de diminuer drastiquement les dépenses et les prélèvements. La dépense publique, qui atteint 57,5 %, poursuit méthodiquement l’euthanasie du secteur privé et installe les trois quarts de la population dans une relation de dépendance vis-à-vis des transferts sociaux. Les recettes fiscales, qui culminent à 53,5 % du PIB, enferment la France dans la décroissance et les Français dans le chômage de masse. Elles contribuent à la course folle de la dette, qui dépassera 100 % du PIB en 2016. En France, ce n’est pas l’impôt mais la dépense publique qu’il faut retenir à la source.
(Chronique parue dans Le Point du 02 juillet 2015)