Emmanuel Macron fait le choix de l’État, en préservant les dépenses publiques et les effectifs de fonctionnaires au détriment du pouvoir d’achat et de la compétitivité.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, de très importantes réformes ont libéralisé le fonctionnement du marché du travail, transformé la formation professionnelle, normalisé la fiscalité des entreprises et du capital, reconfiguré l’éducation ou la SNCF. Mais les grandes lignes du projet de loi de finances annoncent une nouvelle occasion manquée pour réformer la France avec la poursuite de la stratégie de décroissance à crédit.
Les effectifs de la fonction publique stagnent en dépit de départs à la retraite massifs (4 500 suppressions de postes après 1 600 en 2018 sur 2,4 millions de fonctionnaires d’État soit une diminution de 0,0018 %). Pire le nouveau monde renoue avec les méthodes les plus éculées et inefficaces de l’ancien : coups de rabots budgétaires ; artifices de trésorerie avec la hausse des acomptes de l’impôt sur les sociétés et le report des allégements de charge à octobre 2019 pour les entreprises ; report des économies sur le prochain quinquennat ; foisonnement de nouvelles taxes – jusqu’au sel avec le rétablissement de la gabelle.
Macron ne fait nullement le choix du travail ou de l’innovation mais celui de l’État, en préservant les dépenses publiques et les effectifs de fonctionnaires au détriment du pouvoir d’achat des Français et de la compétitivité des entreprises. Et au prix de quatre enterrements :
- Enterrement de la réduction du déficit et du désendettement. Le déficit public s’élèvera à 2,6 % au lieu de 2,3 % en 2018 et remontera autour de 2,9 % en 2019. La dette publique atteindra 98 % du PIB à la fin de cette année et frôlera 100 % du PIB l’an prochain. Dans le même temps, l’excédent allemand culmine à 48 milliards d’euros, soit 2,9 % du PIB, au premier semestre 2018. Le déficit et la dette publics ont chuté à 0,1 % et 86,8 % dans la zone euro, à 0,5 % et 81,5 % du PIB dans l’Union – dont 13 des 28 membres affichent des surplus budgétaires.
- Enterrement de la réforme de l’État. Le secteur public, qui mobilise 56 % du PIB et pèse lourdement sur la nation par sa faible efficacité, se trouve au cœur de la conversion du modèle français. Sa réforme a systématiquement échoué car elle a toujours privilégié les moyens sans jamais donner la priorité aux fins avec une réflexion globale sur les missions et l’organisation de l’État. Cette démarche stratégique, qui se trouve à l’origine du succès des politiques de changement conduites au Canada et en Suède, fondait les propositions des experts de CAP 22, qui préconisaient une baisse de 30 milliards d’euros des dépenses publiques d’ici à la fin du quinquennat. Leurs conclusions ont été ignorées. Le budget de 2019 n’est guidé que par l’objectif de tenir le déficit en dessous de 3 % du PIB tout en engageant de nouvelles dépenses ruineuses (service universel, tiers payant généralisé dans la santé, extension du champ de l’assurance-chômage). Les réformes structurelles de l’État ou de la protection sociale sont mort-nées. La prolétarisation de l’État régalien afin de sanctuariser les dépenses sociales s’accélère.
- Enterrement de la reprise. Après une éphémère embellie en 2017, le décrochage de l’économie française a repris. La croissance sera limitée à 1,7 % cette année et 1,5 % en 2019 contre 2 % dans la zone euro. La compétitivité continue à régresser comme le souligne la hausse du déficit de la balance commerciale. Le chômage remonte, touchant 5,645 millions de personnes soit 9,2 % de la population active contre 8,4 % dans la zone euro et 7 % dans l’Union. Le réveil de l’inflation, qui atteint 2,3 % en rythme annuel et progresse plus vite que les salaires, lamine le pouvoir d’achat des ménages. La dégradation de l’environnement international explique pour partie le ralentissement en raison de la hausse des taux d’intérêt et des prix du pétrole, de la guerre commerciale, technologique et monétaire lancée par Trump, du renouveau des tensions sur l’euro du fait de l’Italie. Mais les erreurs de politique économique de Macron pèsent surtout très lourd. Le nouveau choc fiscal qui a mis 4,5 milliards de prélèvements supplémentaires sur les ménages, l’explosion de la fiscalité sur les carburants et sur l’immobilier ont tétanisé consommation et construction. Le prélèvement à la source qui opérerait un vaste transfert de charges de l’État vers les ménages et les entreprises donnerait le coup de grâce à la demande en 2019.
- Enterrement du projet de Macron de refonder l’Europe. Sa légitimité auprès de nos partenaires comme de nos alliés dépend de la capacité à remettre la France sur le chemin de la croissance, du plein-emploi et de l’équilibre budgétaire. Dire adieu à une baisse structurelle des dépenses publiques fondée sur la modernisation de l’État, c’est dire en même temps adieu aux réformes et à l’Europe.
(Chronique parue dans Le Figaro du 03 septembre 2018)