Le coup de semonce est rude mais amplement mérité : en dégradant la note de solvabilité de la France, l’agence Fitch a pointé du doigt notre dérive.
L’agence Fitch a dégradé le 28 avril la notation financière de la France à AA-, en soulignant le niveau élevé de la dette publique par rapport aux grands pays développés, mais surtout la faiblesse de la croissance ainsi que la montée des tensions sociales et l’impasse politique qui font obstacle aux réformes. Cette sanction, aboutissement logique de la folle stratégie du « quoi qu’il en coûte », aura de lourdes conséquences sur le coût de la dette française et sur sa soutenabilité.
Le modèle français de décroissance et de paupérisation par la dette atteint désormais ses limites. La dette publique est passée de 20 % du PIB en 1980 à 58 % en 2000, 85 % en 2010, et 111,6 % en 2022. Elle dépasse 3 000 milliards d’euros, soit 44 200 euros par Français, alors que le salaire annuel plafonne à 39 300 euros. Elle s’accompagne d’un endettement record des entreprises non financières et des ménages qui s’élève à 147 % du PIB, contre 120 % en 2012.
La France est devenue le maillon faible de l’Europe. Elle affiche en 2023 le déficit public le plus élevé de la zone euro (4,9 % du PIB), ainsi qu’une dette stratosphérique par rapport à cette même zone euro et à l’Union (91,6 % et 84 % du PIB). Surtout, elle n’a pas mis à profit l’envolée de l’inflation pour se désendetter en raison de l’indexation du tiers des dépenses de retraites et de prestations sociales, contrairement à la Grèce, où la dette a chuté de 206 à 171 % du PIB, à l’Italie (161 à 144 % du PIB) ou au Portugal (121 à 113 % du PIB).
Comme le relève l’agence Fitch, la soutenabilité de la dette française n’est plus assurée. Avec la montée des taux d’intérêt que la BCE entend poursuivre tant que l’inflation ne sera pas éradiquée, la charge de la dette deviendra rapidement le premier budget de l’État, avec un montant estimé à 71 milliards d’euros en 2027, contre 40 milliards en 2021. Notre pays a fait la preuve de son incapacité à ne serait-ce que stabiliser les dépenses publiques qui s’élèvent à 58,1 % du PIB, tandis que les recettes publiques, qui culminent à 53,4 % du PIB, ne peuvent être augmentées, sauf à donner le coup de grâce à la production et à l’emploi. En outre, les dépenses publiques ne financent pas des investissements, mais des transferts sociaux, qui représentent plus du tiers du revenu des ménages. Leur expansion va de pair avec l’effondrement de la qualité et des performances des services d’éducation, de santé, de transports, de police ou de justice.
Perte de souveraineté et de crédibilité internationale
Au total, la croissance potentielle d’ici à 2030 sera au mieux de 0,7 %, plombée par la baisse de la productivité depuis 2019. Le déficit public est redoublé par un déficit commercial de 7 % du PIB. Le dialogue social est au point mort et les institutions sont paralysées par la délégitimation des dirigeants et par l’impuissance de l’exécutif du fait de sa majorité relative. La France se prépare ainsi méthodiquement à se fracasser sur le mur de la dette, comme l’Italie en 2011 ou le Royaume-Uni en 2022. Avec, à la clé, une crise économique, sociale et politique majeure doublée d’une perte de souveraineté et de crédibilité internationale.
La responsabilité d’Emmanuel Macron est immense. Il a non seulement endetté notre pays de plus de 700 milliards d’euros depuis 2017, soit près du quart du stock des emprunts, mais il a ancré dans les mentalités la croyance délétère que l’agent public était illimité et gratuit. La trajectoire des finances publiques pour 2023-2027 témoigne de la poursuite du « quoi qu’il en coûte ». Elle ne prévoit en effet aucun effort de redressement des finances publiques en dehors de la réforme des retraites et retient des hypothèses de croissance et d’inflation (1,7 % et 2,6 %) délibérément irréalistes par leur optimisme.
Au-delà des aspects strictement budgétaires, l’État est devenu à la fois schizophrène et kleptomane dans sa volonté de dépenser à tout prix. Il a ruiné EDF en lui imputant la charge du bouclier énergétique à hauteur de plus de 8 milliards d’euros, plaçant la société au bord de la cessation des paiements avec 18 milliards de pertes et 65 milliards de dettes, ce qui compromet la relance de la filière nucléaire. Dans la même lignée, le gouvernement prétend réduire de manière arbitraire la durée des concessions autoroutières, déstabilisant le modèle qui a permis de financer l’équipement en infrastructures de notre pays depuis la fin du XIXe siècle et qui est le seul à pouvoir mobiliser les ressources nécessaires à la transition écologique. La remise en cause par l’État de ses engagements financiers adresse par ailleurs un signal dévastateur aux investisseurs, préfigurant la suspension unilatérale des paiements pour certains créanciers avec la montée de la charge de la dette – indissociable d’une situation de défaut.
La solution ne viendra pas de la réforme du pacte de stabilité, fondée sur le passage à des règles sur mesure en échange d’une surveillance a priori renforcée. D’un côté, nos partenaires européens ont perdu toute illusion et n’accordent plus aucun crédit à la parole des dirigeants français. Mais de l’autre, ils sont unanimement décidés à se préserver et à n’apporter aucun soutien à notre pays quand le choc financier programmé le rattrapera.
Quarante ans de démagogie
Ce n’est pas pour l’Europe mais pour la restauration de la souveraineté de la France que la maîtrise des comptes publics doit devenir une priorité nationale. Il est d’autant plus aberrant de constater qu’aucune force politique n’y prête plus attention et que l’unique objet de consensus au sein des dirigeants français réside dans la sanctuarisation des dépenses publiques.
[…]