Loin d’accoucher d’un avenir radieux, la société sans travail a provoqué le déclassement du pays. Le retour au plein-emploi et la hausse de l’activité sont les clés du redressement.
La France est ainsi devenue le pays développé où l’on travaille le moins. La durée du travail est limitée à 664 heures par personne et par an contre 715 en Espagne, 720 au Royaume-Uni, 729 en Allemagne, 767 en Italie et 825 aux États-Unis. Seuls quatre Français sur dix travaillent. En moyenne, ils entrent dans la vie active à 22 ans et demi et prennent leur retraite à 62 ans et huit mois. Ils travaillent 1 490 heures dans l’année contre 1 497 au Royaume-Uni, 1 641 en Espagne, 1 669 en Italie, 1 790 aux États-Unis et 1 915 en Corée du Sud. Le volume des heures travaillées ne cesse de diminuer (– 0,4 % au premier trimestre 2025 après – 0,2 % fin 2024), du fait de la baisse du nombre d’emplois et de la durée d’activité par emploi.
Trois raisons expliquent l’effondrement du travail en France. L’installation d’un chômage de masse permanent qui constitue une exception française. La faiblesse des rémunérations, qui ne résulte ni d’un biais dans le partage de la valeur ajoutée, ni des inégalités salariales, mais des prélèvements de l’État, qui ne laissent aux Français que 45 % du produit de leur labeur.
Enfin, à partir de 1981, s’est développée une civilisation des loisirs qui va de pair avec la critique radicale du travail, assimilé à la souffrance, l’exploitation et l’injustice.
Mais, loin d’accoucher d’un avenir radieux, la société sans travail a provoqué le déclassement de la France et contribué à sa crise existentielle. La réduction drastique du travail a euthanasié les gains de productivité et, avec eux, la croissance potentielle et le pouvoir d’achat, dont la progression n’est plus assurée que par la fuite en avant de la dette publique. Elle a installé un modèle de décroissance à crédit qui a mis l’État en faillite, compromis la soutenabilité de la protection sociale, interdit la réindustrialisation, l’adaptation à la révolution technologique ou à la transition climatique ainsi
La solution réside dans un nouveau pacte entre l’État, les entreprises et les citoyens.
que le réarmement face aux menaces de la Russie et de l’islamisme. Elle a paupérisé la France et les Français, a bloqué la mobilité sociale et fait basculer des pans entiers du territoire et de la population dans l’anomie et la violence.
Revenir sur le choix malthusien de la fin du travail nous est imposé par la multiplication des chocs. La révolution de l’intelligence artificielle, qui ne peut être acclimatée que par un volume de travail plus important. La brutale dégradation de la conjoncture, provoquée par le basculement protectionniste des États-Unis. L’impératif du réarmement, dont l’urgence est renforcée par le désengagement de l’Amérique en Europe. La mise sous surveillance de la dette française par l’Union européenne, le FMI, les agences de notation et les marchés financiers.
Le travail n’est pas une relique du passé mais la clé de l’avenir. La France doit renouer avec lui tout en l’adaptant aux grandes transformations du siècle. La solution réside dans un nouveau pacte entre l’État, les entreprises et les citoyens articulé autour de six axes : un gigantesque effort de formation pour mettre fin au scandale qui fait que 20 % d’une classe d’âge ne maîtrise ni la lecture, ni l’écriture, ni le calcul ; l’allongement de la durée annuelle du travail et de la vie active par le report de l’âge de la retraite entre 65 et 67 ans ; la réorientation de l’assurance-chômage vers la reprise rapide d’activité ; la hausse des rémunérations grâce à la diminution des charges salariales ; la mise en place d’une véritable stratégie de réindustrialisation ; l’amélioration de la productivité par l’augmentation des dépenses de recherche et par la suppression du carcan bureaucratique qui étouffe l’innovation.
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Chronique parue dans Le Point du 5 juin 2025