À Strasbourg, ce 10 septembre, Ursula von der Leyen a délivré un discours incohérent et déconnecté des réalités du monde comme des attentes des citoyens européens.
Il y a urgence à replacer l’Union et la Commission sous le contrôle des grands États européens.
À Strasbourg, le 10 septembre, Ursula von der Leyen a placé son discours sur l’état de l’Union – inspiré par les institutions des États-Unis – sous le signe de l’unité de l’Europe pour défendre la démocratie.
Mais loin d’organiser le réveil du continent face aux menaces de l’Amérique illibérale de Donald Trump, de la Russie impériale et militariste de Vladimir Poutine, de la Chine totalitaire de Xi Jinping, de la dictature islamique de Recep Tayyip Erdogan, elle est devenue le symbole de la faiblesse et de l’impuissance de l’Union.
Aux antipodes du diagnostic, de la vision et du plan d’action proposé par Mario Draghi, Ursula von der Leyen a délivré un discours incohérent et déconnecté des réalités du monde comme des attentes des citoyens européens. Sa seule ligne directrice réside dans le clientélisme à l’égard des composantes de la coalition fragile et hétérogène dont elle dépend au sein du Parlement.
Dans la lignée de son étrange positionnement comme chef de guerre face à la Russie et de ses déclarations sur le déploiement de troupes en Ukraine, la présidente de la Commission a consacré l’essentiel de son propos à l’aide militaire à Kiev, aux garanties de sécurité à lui donner et à l’organisation de la défense du continent derrière un « mur de drones ».
Or ces politiques ne relèvent pas de la compétence de l’Union, mais de celle des États et de l’Otan.
Elle a plaidé pour la suspension partielle de l’accord d’association avec Israël et la mise en place de sanctions contre les membres du gouvernement de Benyamin Netanyahou et les colons, afin de s’attirer les bonnes grâces de la gauche.
Dans la même veine, elle a annoncé des programmes de lutte contre la pauvreté et de soutien du logement, qui ne sont pas davantage du ressort de la Commission.
Marché de dupes
Simultanément, Ursula von der Leyen a éludé ou jeté un écran de fumée sur les politiques qui forment le cœur de l’Union et sur lesquelles son échec est complet.
En ce qui concerne le commerce, elle a qualifié contre l’évidence de « meilleur accord » sa capitulation face à Donald Trump.
Alors qu’elle organise l’euthanasie des entreprises européennes – qui cumuleront des droits de 15 % et la dévaluation compétitive du dollar de 10 % – face à leurs concurrentes américaines qui bénéficieront de droits nuls tout en étant exonérés de la réglementation et de la fiscalité européennes.
Alors qu’elle a sapé la souveraineté européenne en s’engageant – sans compétence ou mandat – à ce que l’Union achète aux États-Unis 750 milliards d’hydrocarbures non conventionnels et 40 milliards de puces, investisse 600 milliards de capitaux d’ici à 2028 et acquière 100 milliards d’équipements militaires supplémentaires.
Alors qu’elle a conclu un marché de dupes avec une stabilité illusoire, que Donald Trump a déjà remis en question à l’occasion de l’amende infligée à Google ainsi qu’un faux échange de droits de douane contre la sécurité de l’Ukraine et de l’Europe, sans portée en l’absence de tout engagement des États-Unis.
Sur le plan de la compétitivité, elle a définitivement enterré le rapport Draghi avec la complicité de la bureaucratie bruxelloise, vantant les introuvables projets omnibus, qui ajoutent de la complexité au lieu de déréglementer, et réaffirmé son engagement en faveur du « Green Deal » qui constitue une arme de destruction massive de l’agriculture, de l’industrie et de l’énergie européennes.
Elle n’a abordé qu’incidemment l’immigration, première préoccupation des citoyens avec la sécurité, pour se limiter à appeler à la mise en œuvre des textes adoptés, notoirement insuffisants.
Et pour flatter les députés, elle a fixé pour grand projet à l’Union son élargissement sans condition à l’Ukraine, à la Moldavie et aux pays des Balkans, tout en se prononçant pour « la libération du carcan de l’unanimité » et l’extension du droit d’initiative du Parlement.
Modèle totalement dépassé
Sous l’ego démesuré d’Ursula von der Leyen, sa prétention à assumer des pouvoirs dont elle n’a ni la compétence ni les moyens, son biais en faveur de la défense des intérêts allemands, pointent l’accélération du déclin de l’Europe, l’obsolescence du modèle de l’Union et son incapacité à se réformer.
L’Europe, où la fécondité est réduite à 1,38 enfant par femme, perdra 50 millions d’habitants d’ici à 2100.
Sa part du PIB mondial, tombée de 30 % à 22 % depuis 1980, chutera à 15 % en 2050 – contre 30 % pour les États-Unis et 23,5 % pour la Chine –, en raison d’une croissance atone, d’une productivité stagnante et de la prise en étau des entreprises entre le protectionnisme américain et le dumping chinois.
La paupérisation s’emballe avec une richesse par habitant de 39 680 euros contre 85 810 dollars en Amérique.
Or l’Union joue désormais contre l’Europe. À l’ère des empires où le protectionnisme remplace l’ouverture et où la force prime le droit, son modèle apparaît totalement dépassé. Modèle économique fondé sur la régulation du grand marché par la seule concurrence et sur le libre-échange.
Modèle stratégique fondé sur la délégation de la sécurité aux États-Unis. Modèle institutionnel très lourd et lent, reposant sur le contournement du politique par l’économique et la déification de la norme érigée en fin au lieu d’être un moyen.
Modèle intellectuel et moral faussé par le mirage de la fin de l’histoire, cultivant l’illusion que le commerce et le droit sont les meilleurs garants de la paix, que la taille du marché est la clé du pouvoir économique et de l’influence géopolitique, que le soft power prévaut et peut être détaché du hard power.
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(Chronique parue dans Le Figaro du 14 septembre 2025)