L’État de droit reste la clé de la survie de la démocratie et de la liberté politique au XXIe siècle. L’ampleur et la vitesse de sa disparition aux États-Unis, comme la faiblesse des résistances sous l’effet de la peur répandue par l’Administration Trump, rappellent sa fragilité.
Les principes de l’État de droit ont paru triompher avec la chute de l’Union soviétique et l’accélération de la mondialisation, qui firent naître l’espoir d’une communauté internationale unie autour de la fin des idéologies, du libre-échange et de l’ouverture des sociétés.
Mais, faute pour les dirigeants des démocraties d’avoir cherché à construire un ordre mondial, cette illusion fut balayée par les attentats du 11 septembre 2001, les guerres d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie, le krach de 2008, la pandémie de Covid, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, puis les conflits en chaîne du Moyen-Orient déclenchés par les massacres du 7 octobre 2023.
L’État de droit a été profondément déstabilisé tant par la vague populiste qui a déferlé sur le monde occidental à la suite de l’atomisation des classes moyennes provoquée par la mondialisation et la révolution numérique que par la poussée des régimes autoritaires.
L’invasion de l’Ukraine a ensuite fait basculer l’histoire du XXIe siècle en ouvrant un nouvel âge des empires marqué par l’expansion de l’autoritarisme, le retour de la guerre et la libération de la violence.
Le primat de la force sur le droit
La démocratie a brutalement reculé – limitée à 25 pays représentant 6,6 % de la population mondiale contre plus de 70 % pour les régimes autoritaires ou hybrides.
Elle est cernée par l’alliance de la Chine et de la Russie, soutenues par l’Iran et la Turquie, comme par l’hostilité des pays du Sud au nom du ressentiment contre le passé colonial. Surtout, la ligne de partage avec les autocraties, les dictatures, les idéocraties et les théocraties s’est brouillée en même temps que l’unité de l’Occident éclatait.
D’abord en Europe, avec la démocratie illibérale inventée en Hongrie par Viktor Orban, puis largement exportée sur le continent. Ensuite avec la révolution conservatrice déclenchée par Donald Trump aux États-Unis.
La présidence de Donald Trump constitue une rupture irréversible dans l’histoire des États-Unis, qui tirait son originalité de sa fusion avec la démocratie fondée sur la Constitution de 1787.
Elle revendique la toute-puissance de l’exécutif, récusant la séparation des pouvoirs, usurpant les pouvoirs du Congrès, du pouvoir judiciaire et des États fédérés. Elle politise l’État, jusqu’à l’armée, sommée de donner la priorité à l’ennemi intérieur et de transformer les villes démocrates en terrains d’entraînement au lieu de se moderniser pour affronter les menaces de la Chine et de la Russie.
Elle intervient dans l’économie, multipliant les opérations et les prises de participation au profit d’oligarques de la technologie et de la finance, mélangeant les politiques publiques et la promotion des intérêts privés du président et de sa famille. Elle planifie la prise de contrôle par l’État militant des médias, des universités et de la science.
Elle organise une chasse aux sorcières, dont les poursuites engagées contre James Comey, l’ancien directeur du FBI, sont exemplaires, instaurant un climat de délation et de peur.
Dans le même temps, Donald Trump, au-delà de ses revirements permanents, aligne les États-Unis sur les principes des empires autoritaires en assumant le primat de la force sur le droit.
Il partage avec les autocrates l’ambition de refonder le système international autour de zones d’influence impériales, nie l’existence du droit international ou de biens communs de l’humanité.
Il récuse le multilatéralisme et toute notion d’ordre mondial au profit de l’exercice des rapports de puissance, refusant la souveraineté des États, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou la protection des droits de l’homme.
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(Chronique parue dans Le Figaro du 5 octobre 2025)
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