Déni de l’État de droit, purges, autoritarisme, culte de la personnalité, le système Trump rompt avec la démocratie, fondatrice de l’histoire des États-Unis.

Le 18 octobre, plus de 7 millions d’Américains ont manifesté contre les dérives du pouvoir personnel de Donald Trump dans une ambiance festive et conviviale, lors de 2 700 rassemblements couvrant tous les États-Unis, pour répondre à l’appel du « No Kings Day ».
La protestation vise moins le risque d’évolution vers la monarchie que le basculement dans un régime autoritaire où la protection des droits individuels n’est plus garantie. Elle entend dénoncer la cassure dans l’histoire des États-Unis, seule nation dont le destin, depuis la Déclaration d’indépendance de 1776, est indissociable de la démocratie. Elle critique aussi l’impuissance des démocrates, inexistants face à l’administration Trump, car délégitimés par la dissimulation de l’état de santé de Joe Biden et divisés sur la régulation du capitalisme, le wokisme, Israël, la Palestine et la guerre de Gaza.
Le réveil de la société civile américaine est aussi salutaire que tardif. Donald Trump a en effet entrepris de transformer les États-Unis en démocratie illibérale, installant un climat de mensonge et de peur caractéristique des régimes autoritaires. Et ce sans rencontrer jusqu’à présent de résistances autres que le président de la Fed, le Wall Street Journal et l’université Harvard, tous les garde-fous qui avaient fonctionné durant son premier mandat ayant été désarmés.
Tout-puissant
S’appuyant sur la « théorie de l’exécutif unitaire », Donald Trump assume sa toute-puissance, accaparant les pouvoirs du Congrès et instrumentalisant la justice grâce à la soumission de la Cour suprême, qui a acté en 2024 l’impunité totale du président. Il a entrepris de saper les trois piliers de la démocratie : le suffrage universel, avec la répression de ses opposants et la refonte de la carte électorale ; l’État de droit, qui se trouve suspendu ; le pluralisme politique, la tolérance et la liberté d’expression, qui sont niés.
Les forces de sécurité sont détournées de leurs missions au service de la nation pour être mises au service de Donald Trump. La police de l’immigration, l’ICE, opère comme une milice en dehors de tout cadre légal, multipliant les rafles, effectuées par des agents masqués lourdement armés, mais sans badge ni uniforme.
L’activité des agences de sécurité et de renseignement a été réorientée vers la politique intérieure et l’anéantissement des adversaires du président. Même l’armée n’a pas échappé aux ordres de Donald Trump : devant 800 officiers généraux venus du monde entier, il lui a imposé de privilégier l’ennemi intérieur plutôt que les menaces stratégiques posées par la Chine, la Russie ou l’Iran, en transformant les villes démocrates en terrains d’entraînement pour les forces américaines.
Entre monarchie et tyrannie
Max Weber distinguait trois types de domination : traditionnelle, typique des sociétés d’Ancien Régime ; charismatique, correspondant aux autocrates ; rationnelle-légale, indissociable de la démocratie car elle repose sur la suprématie de la loi. Donald Trump rompt avec l’héritage des Pères fondateurs pour placer les États-Unis sous un système d’autorité au confluent de la monarchie et de la tyrannie, fondé sur l’allégeance personnelle. D’un côté, ses amis et donateurs bénéficient de grâces, des interventions et des concours de l’État.
De l’autre, ses opposants font l’objet d’une vendetta personnelle qui mobilise tous les moyens de la puissance publique pour les écraser, à l’instar de John Bolton, son ancien conseiller, ou encore de James Comey, Jack Smith, Adam Schiff, Letitia James ou Lisa Monaco, tous impliqués dans les poursuites engagées après la tentative de coup d’État et la prise du Capitole le 6 janvier 2021.
La confusion entre les affaires de Donald Trump et le fonctionnement de l’État est complète, comme l’illustrent la promotion des Trump Towers par la diplomatie américaine ou la priorité accordée aux cryptomonnaies pour renforcer l’hégémonie du dollar, mais surtout pour vendre WLFI, le stablecoin de la famille Trump.
La corruption et le délit d’initiés sont désormais institutionnalisés au sommet de l’État. Avec pour symbole la transformation de l’aile est de la Maison-Blanche en une gigantesque salle de bal de 8 000 mètres carrés, capable d’accueillir 1 000 invités, pour un coût de 300 millions de dollars financés par des donateurs en échange de faveurs et de services.
Et cela contre la volonté des Pères fondateurs, qui entendaient faire du bâtiment – par son classicisme et sa couleur blanche après sa reconstruction en 1817 – le symbole des valeurs de la démocratie américaine et du rejet de la dépravation comme de la prévarication.
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(Chronique parue dans Le Point du 3 novembre 2025.)
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