Les conflits, devenus totaux et illimités, envahissant de nouveaux milieux, placent la donne géopolitique sous le signe d’une paix impossible.
L’attaque lancée par Israël contre l’Iran, le 13 juin, a foudroyé la République islamique, brisant son armée, déstabilisant le régime et décimant ses dirigeants. Puis les frappes réalisées par les États-Unis dans la nuit du 22 au 23 juin ont dévasté les trois sites nucléaires de Fordo, Natanz et Ispahan.
Ces opérations sont le point d’aboutissement de la stratégie mise en place par Israël après les massacres du 7 octobre 2023. Elles ont défait, humilié et délégitimé l’Iran des mollahs, qui a asservi et paupérisé sa population pour construire un empire et un programme nucléaire désormais démantelés. Elles ont rompu l’isolement diplomatique croissant de l’État juif provoqué par les conditions inhumaines infligées à la population civile de Gaza.
Ce conflit entraînera une reconfiguration majeure du Moyen-Orient. Mais nul n’en connaît l’issue. L’intervention des États-Unis a certes été décisive pour interdire à l’Iran de se doter rapidement de l’arme nucléaire, mais les dommages infligés à ses installations restent à évaluer et les compétences acquises demeurent. Surtout, la paix reste introuvable. L’objectif final d’Israël d’une chute des mollahs, qui ne fait l’objet d’aucun consensus, reste improbable, l’espoir d’une normalisation étant contrebalancé par les risques de guerre civile.
En Ukraine, l’opération militaire spéciale de quelques jours voulue par Vladimir Poutine s’est transformée en une interminable guerre d’attrition et un effroyable charnier, que la Russie menace de transformer en un conflit illimité. À travers l’escalade des attaques hybrides, le tsar du Kremlin prépare l’extension de la guerre à l’Europe avec la militarisation à outrance de l’économie et de la société russes.
En Asie, un cessez-le-feu précaire est intervenu entre l’Inde et le Pakistan au lendemain des frappes croisées de missiles et de drones et des violents combats aériens entre le 6 et le 10 mai. Mais l’antagonisme entre les deux pays est exacerbé et la suspension du traité sur le partage des eaux de l’Indus semble conduire inéluctablement à une reprise des hostilités.
« On fait la guerre quand on veut ; on la termine quand on peut. » Machiavel
À l’âge des empires, des tyrannies et des prédateurs, la maxime de Nicolas Machiavel n’a donc jamais été aussi juste :
« On fait la guerre quand on veut ; on la termine quand on peut. »
Les guerres sans fin n’ont pas attendu l’invasion de l’Ukraine en 2022, qui a fait basculer l’histoire du XXIe siècle en libérant les ambitions de puissance des empires, en actant le primat de la force sur le droit. Elles furent inaugurées par les États-Unis en Afghanistan avec un conflit de vingt ans qui leur coûta 2 300 milliards de dollars pour se conclure par un retrait piteux et par le retour triomphal des talibans à Kaboul, le 15 août 2021. Elles se poursuivirent avec les guerres d’Irak et de Syrie, qui firent le lit de l’État islamique, ainsi qu’avec le conflit de Libye, qui déboucha sur la guerre civile, la partition du pays et la déstabilisation du Sahel.
La nouvelle donne géopolitique est placée sous le signe d’une paix impossible et d’une guerre permanente. La violence explose, échappant à tout contrôle. La course aux armements envahit de nouveaux milieux – des fonds marins à l’espace en passant par le cybermonde – et s’étend au commerce, à la monnaie, aux flux d’épargne, à la technologie, aux migrations ou à l’information.
Pour l’Europe, qui s’était reconstruite autour des principes de la démocratie libérale portée par l’Amérique de 1945 puis réunifiée à partir de 1989 autour de la conviction que la guerre était impossible et la paix perpétuelle, le choc est existentiel. Riche, vieillissante et désarmée, elle constitue la proie idéale pour les prédateurs et la cible privilégiée de la Russie de Poutine, des États-Unis de Trump et de la Chine de Xi.
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Chronique parue dans Le Point du 26 juin 2025