La reprise est forte aux États-Unis, timide en Europe mais virtuelle en France. L’année 2014 sera décisive pour l’Hexagone.
En cette fin d’année 2013, l’Europe repart doucement, portée par l’amélioration de la situation des pays développés face aux émergents et par ses réformes. La zone euro sort de la récession avec une croissance estimée à 1,1 % en 2014. Le chômage diminue légèrement pour toucher 12,1 % de la population active. Surtout, le double déficit des comptes publics et extérieurs dans les pays périphériques se réduit fortement, l’Espagne et l’Italie dégageant des surplus commerciaux. Dès lors, à la seule exception de la Grèce, ils retrouvent l’accès aux marchés financiers. Dans le même temps, le Royaume-Uni, avec une croissance et un taux de chômage prévus respectivement à 2,7 % et 7 % de la population active en 2014, perçoit pleinement les bénéfices de sa stratégie fondée sur l’austérité budgétaire, la reconfiguration de l’État-providence à travers le projet de Big Society, une politique monétaire expansionniste couplée à la dévaluation de la livre sterling.
L’amélioration de la conjoncture européenne découle de cinq changements majeurs. La restauration de la compétitivité des pays en crise, avec pour symbole l’Espagne, qui a amélioré spectaculairement la productivité du travail, du capital et de la dépense publique, permettant un renouveau de son industrie et de ses exportations. La stratégie de reflation coopérative adoptée par l’Allemagne et renforcée par l’accord de coalition, qui voit les salaires augmenter de plus de 3 % par an depuis 2011 et l’inflation atteindre 1,6 % par an. La stabilisation de l’euro autour de l’axe composé d’Angela Merkel et de Mario Draghi, avec un nouveau policy mix associant règle d’or budgétaire, expansion monétaire et priorité donnée aux réformes structurelles. Le renforcement des institutions et de l’intégration financière de la zone euro grâce à l’union bancaire et à l’accord sur les règles de Solvabilité 2 applicables aux assurances, toutes mesures réduisant le déficit de financement des PME européennes. Enfin, la résilience des institutions démocratiques face aux populistes, symbolisée par l’échec de la tentative de prise d’otage de la coalition d’Enrico Letta par Silvio Berlusconi.
Pour autant, l’Europe sort très lentement de sa double récession, alors que les États-Unis connaissent une vigoureuse reprise, caractérisée par une croissance prévue à 2,7 % et un chômage revenant en dessous de 7 % de la population active en 2014, des finances fédérales en voie de rééquilibrage, un secteur financier restructuré, recapitalisé et régulé par les principes fixés par Paul Volcker. Corporate America est de retour, même si d’importants risques subsistent autour de la sortie de la stratégie de création monétaire forcenée conduite par la Fed depuis 2008, du renouveau des bulles spéculatives sur les marchés boursiers et immobiliers, du creusement des inégalités.
La reprise est stable et durable aux États-Unis ; elle est timide mais réelle en Europe ; elle reste virtuelle en France. Quasi nulle en 2013, la croissance restera minime en 2014, deux fois inférieure à celle de la zone euro et plus de trois fois à celle de l’Allemagne. Le chômage qui frappe 10,9 % de la population active, continuera sa progression, la destruction des emplois privés l’emportant sur la multiplication des postes subventionnés dans le secteur non marchand. La dette publique atteindra 95,4 % du PIB à fin 2014 sur fond d’un déficit de 3,8 % en dépit de 70 milliards de hausse des impôts depuis 2010. L’effondrement continu de l’investissement et des exportations générera un déficit commercial de 2,4 % du PIB contre un excédent de 6,1 % en Allemagne.
La complaisance paradoxale des marchés et de la Commission européenne n’enlève rien à la gravité de la situation française. L’exception française de la stagnation découle du refus de réformer un modèle économique et social en faillite. La faible activité reste tirée par la dépense et la dette publiques. Le choc fiscal débouche sur le refus de l’impôt, avec seulement 11,2 milliards de recettes supplémentaires sur les 25 attendus en 2013. Dans le même temps, il entraîne l’exode des entrepreneurs et des cerveaux, des centres de décision et des capitaux.
La pseudo-réforme des retraites aboutit à rétablir l’âge légal de départ à 60 ans pour un Français sur deux du fait de la combinaison des carrières longues et de la pénibilité.
La divergence en Europe n’oppose plus le Nord et le Sud mais la France à tous ses partenaires. Notre pays est la première source d’incertitude pour l’activité du continent et pour la survie de l’euro. Une thérapie de choc qui permette de refaire de la France un site de production compétitif dans la mondialisation s’impose. Soit François Hollande assume le choix de la compétitivité, instaure une véritable flexisécurité du travail, réforme l’État et coupe la dépense publique. Soit l’économie et la dette françaises imploseront tôt ou tard, et l’euro avec elles. La clarification, c’est en 2014 ou jamais.
(Chronique parue dans Le Figaro du 16 décembre 2013)