La France est un Titanic qui se dirige droit vers l’iceberg du défaut financier, avec une classe politique qui a fait le choix de la lâcheté et de l’impuissance.
La France a perdu le contrôle de ses finances publiques, avec un déficit qui a atteint 5,8 % du PIB en 2024, alors qu’il était prévu à 4,4 % du PIB. Il se situera au même niveau en 2025, compte tenu de l’effondrement de l’activité et de la remontée du chômage. La dette, fin 2024, s’élevait à plus de 3 300 milliards d’euros, soit 113 % du PIB (98 % du PIB en 2017) et 48 500 euros pour chacun des 68 millions de Français ; elle approchera 120 % du PIB en 2025.
La dette publique française est devenue insoutenable. Budgétairement, car son service augmentera de 67 milliards d’euros en 2025 à 108 milliards en 2029, soit 3,2 % du PIB. Financièrement, parce que la croissance nominale est significativement inférieure aux taux d’intérêt (2,5 % contre 3,5 %). Économiquement, parce que la démographie s’effondre (1,62 enfant par femme), que la productivité a reculé de 6 % depuis 2019, que le déficit public a pour corollaire celui de la balance commerciale (80 milliards d’euros) et que la position extérieure nette de notre pays est négative à hauteur de plus de 800 milliards d’euros.
Les États-Unis de Donald Trump confirment le risque de choc financier majeur sur notre pays. Ils présentent une situation budgétaire comparable à celle de la France, avec un déficit de 6 à 7 % du PIB, une dette de 120 % du PIB qui progresse de 3 points par an, une charge d’intérêt qui s’élève à 4,5 % du PIB. Longtemps protégée par le monopole du dollar, la profondeur des marchés financiers, le leadership technologique et le statut de première puissance militaire du monde, la dette américaine est déstabilisée par la politique économique absurde et erratique de Donald Trump et se trouve désormais soumise à une forte pression des marchés.
Trop des dépenses publiques
La crise des finances publiques françaises n’est pas liée aux recettes, qui atteignent 52,3 % du PIB, mais aux dépenses, qui culminent à 57,1 % du PIB, contre 49,2 % dans l’Union européenne. Elles se sont élevées en 2024 à 1 670 milliards d’euros, qui se répartissent à hauteur de 770 milliards pour la protection sociale, 560 milliards pour l’État et 340 milliards pour les collectivités territoriales. Les dépenses sociales absorbent 34 % du PIB (26,5 % dans l’Union), dont 14,5 % pour les retraites (11,8 % dans l’Union), 12,4 % pour la maladie (contre 10,0 % dans l’Union), 2,3 % pour la famille (1,9 % dans l’Union), 1,8 % pour le chômage (1,2 % dans l’Union), 1,3 % pour la lutte contre l’exclusion (1 % dans l’Union).
L’emballement des dépenses sociales constitue la première explication de l’envolée de la dette : ainsi, depuis 2017, elles sont à l’origine de plus de la moitié de sa hausse de 1 000 milliards. La protection sociale a généré en 2024 un déficit de 15,3 milliards en 2024 qui s’amplifiera pour atteindre 22,1 milliards en 2025 et 24,1 milliards en 2028, date à laquelle la dette sociale s’élèvera à 180 milliards d’euros. Avec à la clé un risque de crise de liquidité pour la Sécurité sociale, puisque la Cades a touché son plafond d’endettement en 2024 et que l’Acoss ne pourra emprunter en 2027 les 70 milliards qui seraient indispensables à son financement.
Cette faillite financière s’accompagne d’une crise de légitimité et d’efficacité. La protection sociale cannibalise l’État régalien, notamment les dépenses de sécurité intérieure et extérieure qui sont impératives pour préserver la liberté et la souveraineté de la nation face aux menaces existentielles de la Russie et de l’islamisme. Elle préempte les ressources nécessaires pour investir dans la réindustrialisation, l’innovation, la transition écologique ou le réarmement. Elle est dramatiquement inégalitaire car elle spolie les générations futures, qui, moins nombreuses et appauvries, devront acquitter le remboursement de la dette – alors que 70 % des dépenses sociales sont affectées aux personnes âgées. Comble de l’absurde, les dépenses sociales nourrissent les fléaux qu’elles ont pour raison d’être de combattre : elles assurent certes un revenu moyen aux retraités supérieur de 9,5 % à celui des actifs, ce qui a permis d’éradiquer la pauvreté chez les personnes âgées ; mais le prix à payer pour l’économie et la nation est exorbitant avec la paupérisation massive du reste de la population, la montée de l’exclusion, le chômage permanent, la difficulté dans l’accès aux soins et l’effondrement de leur qualité, la contagion de la violence et l’ensauvagement de la société.
La France est dans une situation d’autant plus critique qu’elle se trouve isolée en Europe. Les pays d’Europe du Nord ont réformé et maîtrisé leurs États-providence pour les rendre compatibles avec la compétitivité, la transition écologique et le réarmement. Les pays d’Europe du Sud ont restructuré leurs finances publiques et dynamisé la production privée.
Le choix de la lâcheté et de l’impuissance
Pendant ce temps, tout comme les États-Unis de Donald Trump, la France est un Titanic qui se dirige droit vers l’iceberg du défaut financier, avec une classe politique qui a fait le choix de la lâcheté et de l’impuissance en reportant les mesures que chacun sait indispensables mais que nul ne veut assumer tant que la menace de la mise sous tutelle par le FMI, l’Union européenne et la BCE ne se matérialise pas.
Cet effondrement du courage et de la responsabilité politiques est inacceptable, car la France dispose encore des moyens de se redresser seule. Le désendettement de l’État peut, comme en 1958 et à l’image de nos partenaires européens, être réalisé en moins d’une décennie. Mais il suppose une thérapie de choc qui transforme radicalement le modèle économique et social.
L’État-providence français constitue aujourd’hui la meilleure illustration de la définition que Frédéric Bastiat, dans ses Harmonies économiques, donne de l’État : « la grande fiction par laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». Il est aujourd’hui insoutenable non seulement financièrement en raison de l’envolée de la dette, qu’économiquement avec la stagdéflation, politiquement et civiquement – 10 % des Français seulement sont des contributeurs nets avec des taux de prélèvements confiscatoires, tandis que des pans entiers du territoire et de la population basculent dans l’anomie et la violence.
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Chronique parue dans Le Figaro du 1er juin 2025