Outre ses faiblesses économiques, le projet de François Bayou est mort-né en raison de l’absence de soutien politique, des virulentes oppositions sociales et de l’hostilité des citoyens envers un premier ministre qui bat tous les records d’impopularité.
François Bayrou ne s’est pas dérobé. Après six mois d’atermoiements et d’immobilisme, avec pour seul bilan un budget 2025 ruineux pour les finances publiques et dévastateur pour l’économie, il s’est enfin lancé à l’assaut de l’Himalaya dont il parlait d’autant plus doctement qu’il restait assis pour le contempler de loin. Il est sorti du déni entretenu par Emmanuel Macron pour faire la vérité sur la crise financière de la France.
Notre pays se trouve à un tournant historique, confronté simultanément à l’accélération de son déclassement après quarante-cinq ans d’un long déclin, à l’implosion du commerce et des échanges mondiaux sous la pression des États-Unis de Donald Trump, à la menace des empires autoritaires au premier rang desquels la Russie de Vladimir Poutine, enfin à l’impuissance de l’Union européenne, prise à contre-pied dans un monde où la force prime le droit et où il n’est plus de pouvoir de négociation sans capacité à recourir à la force armée. Dans ce moment critique, notre pays a abandonné la maîtrise de son destin en perdant le contrôle de ses finances publiques et sabordé sa puissance en détruisant son économie. Désendettement de l’État et relance de la production sont donc les deux mamelles du redressement national.
De ce point de vue, le plan présenté le 15 juillet par François Bayrou constitue un moment clé. Il acte sans détour que la France est devenue l’homme malade de l’Europe du fait d’une dette insoutenable qui s’élève à 114 % du PIB et dont le service va exploser pour atteindre rapidement 100 milliards d’euros. Il montre que, faute de réformes radicales, notre pays est promis à un choc comparable à celui de la Grèce, qui paya son surendettement de sa mise sous tutelle par la troïka composée de l’Union, de la BCE et du FMI, d’une chute de 25 % du PIB, d’une explosion du chômage à 28 % de la population active, d’une baisse de 20 % des dépenses de protection sociale et d’une diminution allant jusqu’à 30 % du salaire des fonctionnaires.
S’inspirant de la maxime d’André Gide, selon laquelle « il est extrêmement rare que la montagne soit abrupte de tous côtés », François Bayrou a présenté un projet qui multiplie les angles et les voies d’approche. Son objectif consiste à stabiliser la dette en quatre ans en ramenant le déficit à 2,8 % du PIB en 2029. Pour cela, il prévoit un effort de 43,8 milliards pour 2026, qui intègre une augmentation de 3,5 milliards du budget de la défense en plus des 3 milliards prévus par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2030 (inférieure cependant aux 10 milliards requis pour porter le budget de la défense à 3 % du PIB en 2030). Cet ajustement est présenté comme reposant à hauteur de 10 milliards sur des hausses d’impôts, qui épargnent pour l’essentiel les entreprises laissées exsangues par la ponction de 20 milliards infligée en 2025, et à hauteur de 33,8 milliards sur des réductions de dépenses. Enfin, un lien explicite est établi entre le désendettement et le redémarrage de la production à travers la mobilisation du travail.
Sous cette ligne générale cohérente pointent cependant de multiples incertitudes et des failles inquiétantes. L’objectif même du plan devrait être redéfini. Il ne doit pas porter sur la stabilisation de la dette mais sur sa soutenabilité. Or celle-ci n’est assurée que par un excédent primaire du budget, qui impose de réduire le déficit à 1,5 % du PIB. Surtout, les mesures budgétaires envisagées sont limitées à l’exercice 2026. Elles ne sont pas adossées à des réformes de structure qui permettraient de diminuer durablement les dépenses et les déficits, à l’image de la suppression de deux jours fériés, qui ne représente qu’un leurre pour éviter de traiter le problème crucial de l’augmentation de la durée du travail et de la vie active. Elles ne s’inscrivent pas dans une stratégie de développement et de transformation du modèle économique et social, contrairement au rapport Rueff-Armand de juillet 1960.
Au total, il n’est pas mis fin à la tenaille infernale de la décroissance à crédit qui ruine notre pays depuis un demi-siècle. Du côté des finances publiques, hausse constante des dépenses qui s’emballe lors des chocs, puis hausse des impôts, blocage de la croissance, et nouvelles dépenses de soutien et de transfert appelant des prélèvements supplémentaires. Du côté de l’économie, diminution du volume et de la productivité du travail, qui interdit les gains de pouvoir d’achat et dégrade la compétitivité des entreprises, justifiant la mise en place d’une économie administrée financée par la dette et parfaitement improductive.
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(Chronique parue dans Le Figaro du 21 juillet 2025.)