Le ministre de l’Economie a envoyé un signal politique. Il doit désormais entrer dans le vif de la réforme.
L’économie mondiale entame l’année 2015 avec trois ruptures : la division par deux des prix du pétrole, la forte remontée du dollar et la disparition de l’inflation. Désormais, le clivage n’oppose plus un Nord déclinant et un Sud triomphant, mais les nations qui s’adaptent aux chocs et celles qui les subissent. Parmi les gagnants de cette nouvelle configuration, on compte en premier lieu les États-Unis, qui ont renoué avec une croissance supérieure à 3 % et le plein-emploi. Ils sont accompagnés par la Chine, première économie du monde, dont la croissance réelle de 3 à 4 % poursuit son atterrissage en douceur après trois décennies d’hyperdéveloppement, mais aussi par l’Inde, qui affiche une croissance de 5,6 %, et par l’Allemagne. Dans le camp des perdants, on trouve d’abord les grands producteurs d’hydrocarbures : l’Arabie saoudite, l’Iran, le Nigeria ou le Venezuela, qui va droit au défaut de paiement en cumulant une récession de 4 % de son PIB et une inflation supérieure à 60 %. Ainsi que la Russie, qui attend une baisse de 6,2 % de son PIB, et le Brésil, désormais en récession. Quant au Japon, il est dans une situation très difficile du fait de l’échec des Abenomics, tandis que la zone euro est de plus en plus menacée par la déflation.
La France se range sans nul doute dans la catégorie des décrocheurs, comme le prouve son déclassement au sixième rang des puissances économiques et au neuvième si l’on raisonne en parité de pouvoir d’achat. Elle ne maîtrise plus son destin, qui sera déterminé en 2015 par la confrontation entre les facteurs externes favorables et les facteurs internes défavorables. D’un côté, la division par deux du prix du pétrole, la chute de 15 % de l’euro, la faiblesse des taux d’intérêt et la détente du crédit bancaire, l’assouplissement de l’austérité budgétaire dans la zone euro et la perspective d’un plan d’achat de titres de dettes publiques par la BCE. De l’autre, l’absence persistante de réformes, une croissance bridée et une compétitivité sinistrée par une fiscalité confiscatoire et une législation malthusienne, la relance de la crise de l’euro avec les élections du 25 janvier en Grèce et la possible victoire des extrémistes de Syriza.
Au total, les facteurs positifs devraient l’emporter pour permettre d’atteindre le niveau de la croissance potentielle, situé autour de 0,8 %. Et ce avant tout grâce à la stabilisation du niveau de vie permise par la baisse du pétrole. Mais il n’y aura pas de véritable reprise, car les problèmes structurels restent entiers : la sous-compétitivité des entreprises du fait de la dégradation de leurs marges, qui se traduit par un déficit commercial hors énergie de 1 % du PIB ; le chômage structurel, qui poursuivra son ascension pour toucher 11 % de la population active, alimentant l’exclusion et l’extrémisme ; la dérive des finances publiques, avec des dépenses qui approchent 58 % du PIB, un déficit de 4,5 % du PIB et une dette qui tendra vers 100 % du PIB à la fin de 2015.
La France reste l’homme malade du monde développé. Contrairement aux années 2000, ses performances sont nettement inférieures à celle de la zone euro en termes de croissance, de compétitivité et de finances publiques.
L’écart ne cesse de se creuser avec l’Allemagne, forte d’une croissance de 1,5 %, d’une situation de plein-emploi, avec un taux de chômage descendu à 4,7 %, du retour à l’équilibre budgétaire et d’une dette réduite à 75 % du PIB.
En 2015, la France sera un risque pour la zone euro. Risque économique avec l’absence de véritable reprise. Risque social avec l’enracinement du chômage de masse. Risque financier avec les tensions croissantes sur sa dette qui pourrait être lourdement affectée par le retrait des investisseurs japonais à la suite de la chute de 15 % de l’euro. Risque politique avec l’exclusion de 10 % de la population et la montée de l’extrémisme. Risque stratégique avec la surexposition de nos forces, envoyées en première ligne dans le combat contre l’islamisme sans disposer des moyens nécessaires pour le soutenir.
La France se trouve dans une situation paradoxale. Les attentats de janvier ont démontré l’ampleur des menaces qu’elle affronte comme les fractures de la nation. Ils ont aussi mis en évidence la force de la mobilisation de ses citoyens, qui peut fournir le socle du redressement. L’examen de conscience national devant les démissions en chaîne qui ont jalonné les dernières décennies ne peut être limité à la déliquescence de la défense et de la sécurité nationale, aux dérives du système éducatif, au délabrement de la justice et des prisons. La tragédie impose de rompre avec le mensonge, de dire la vérité et de lever les tabous. Et de le faire jusqu’au bout.
Traitons la désintégration du modèle économique et social qui joue un rôle clé dans la descente en vrille de la nation, au lieu d’imaginer de nouveaux leurres pour tromper les marchés financiers et nos partenaires européens. Transformons la loi Macron en véritable loi de modernisation. Pour l’instant, elle est une loi Potemkine, un signal politique plus qu’une réforme économique, qui se limite à afficher la fermeté sur des questions périphériques (la concurrence par ailleurs souhaitable dans les professions réglementées) et la mollesse sur des thèmes tels que le travail du dimanche (généralisé dans toutes les métropoles mondiales à l’exception de Paris et Berlin). Erigeons la loi Macron en pierre angulaire du redressement pour la mettre au service de la croissance et de l’emploi en déverrouillant la création d’entreprises et l’innovation, en favorisant l’investissement et son financement par les banques et les marchés, en favorisant le retour des talents exilés, en libéralisant le marché du travail. Prolongeons-la, dans le droit-fil de l’examen du budget par la Commission européenne, par une loi de finances rectificative qui fasse la vérité sur les comptes publics, qui démantèle la fiscalité interdisant le développement et ruinant l’attractivité du pays, qui opère un tri dans les 670 milliards de transferts sociaux et les réoriente pour partie vers les fonctions régaliennes de l’État.
Les Français ont montré qu’ils étaient prêts à s’engager pour remettre la France debout. A leurs dirigeants de se montrer à la hauteur. Le redressement, c’est maintenant !
Chronique parue dans Le Point du 22 janvier 2015)